Mozilla, GNU/Linux, le Libre (et les femmes ?)
Deux bons moments grapillés à la médiathèque du Pays viganais en juin 2007 que je conserve ici. Deux beaux textes sur les bibliothèques et une rencontre avec Claude Pujade-Renaud.
Deux extraits de textes lus lors d'une exposition «Le Livre de Bibliothèque», collection de textes et d'illustrations choisis par l'association Marque Page pour un recueil au format album de BD.
Ces textes décrivent les souvenirs que leurs auteurs ont gardés de la bibliothèque de leur enfance ou de leur adolescence.
Extraits :
Bientôt le grand escalier de bois. Parfois des gens que je vais croiser, qui descendent les marches. Des adultes avec qui J'ai l'impression de partager quelque chose. Comme moi, ils viennent ici, eux aussi. Nous avons en commun ce lieu, ce qui nous y amène. Ici, J'ai l'impression que je suis semblable. J'oublie tout ce qui, d'ordinaire, laisse toujours un écart entre moi et les autres. Ici, je partage tout (...) Ici, rien de mauvais ne peut m'arriver. (...) Nous prenons soin de notre silence. Nous prenons soin de notre rêve (...) Nous retenons le poids du corps, le parquet ne craquera pas. (...) Ailleurs peut-être, dans nos maisons, il y a des cris. Tant que je suis ici, je suis dans une paix totale. (...) Parfois je surprends une tête dressée, un regard rêveur. Ces regards-là, je les aime, je les comprends. Ils ne prennent rien au monde. Ils donnent sans être pris. Si loin venus du dedans, ils volent dehors. Une façon d'être: intimement présents au monde, du plus profond de soi. Et libres. (...)
Portrait d'une petite fille déchirée entre le Tout (celui de la bibliothèque, de tous les livres et de toute la connaissance qui s'y trouvent et qui donnent envie de tout savoir) et le Jamais (ce Tout à jamais inaccessible dans sa totalité et son altérité), le Tout de l'infini et le Jamais de sa finitude infinie. Extraits :
Alors rompue d'émotions, je prends le chemin du retour. (...) je sais que je vais pouvoir survivre mon quotidien insipide de petite fille.
Claude Pujade-Renaud, marraine de la médiathèque du Pays viganais, a apporté deux grands sacs de livres, cadeaux offerts par la maison d'édition Actes-Sud. On a aperçu des livres d'art... il va falloir patienter jusqu'à ce qu'ils arrivent sur les étagères, classés, cotés, étiquetés, recouverts de plastique transparent. Cette rencontre avec une écrivaine dont l'œuvre est presqu'entièrement publiée chez Actes Sud, fut conduite par un critique littéraire qui la connaît depuis longtemps et qui a lui-même travaillé dans cette maison d'édition. Ce qui a été frappant, c'est l'intérêt porté à la phrase d'un autre auteur qui fait surgir tout un livre, et pas seulement une histoire. Deux exemples ont été donnés.
Une phrase des Mémoires de Saint-Simon dans laquelle la neige dans la nuit est rendue à la manière du célèbre oxymore de Corneille: «Cette obscure clarté qui tombe des étoiles» (Le Cid). Saint-Simon écrit : «La nuit était si obscure qu'on ne voyait qu'à la faveur de la neige». Cette phrase a donné naissance à un livre qui n'est pas un roman historique mais qui est centré, en un long flash-back, sur le motif de la nuit et de la neige, et sur les deux femmes qui sont responsables et victimes de cette nuit neigeuse. (La nuit la neige, Actes Sud, 1996).
La phrase de Platon au début du Phédon, récit de la mort de Socrate, a intrigué l'écrivaine : «Platon, je crois, était malade». où paraît le jeu entre l'auteur, le narrateur et l'un des protagonistes (la séparation, la curieuse incertitude du narrateur face à lui-même comme auteur et comme protagoniste) et l'absence de Platon le jour de la mort de Socrate, en se faisant porter pâle, peut-être.
Claude Pujade-Renaud a fait de cette phrase un roman sur le deuil, l'incertitude des récits, qui se clôt sur la décision du personnage Platon de redevenir l'auteur et l'autorité, de sortir de son éclipse et de son hésitation. (Platon était malade, [1999], Actes Sud-Babel, 2002).
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