Hadopi dans le trou

Hadopi, loi dite Internet et Création est tombée dans un grand trou (La Quadrature du Net envoie une couronne mortuaire). Le Conseil constitutionnel vient en effet de rendre son avis. C'est la suite de Hadopi voté et au trou.

Voici le communiqué de presse du Conseil constitutionnel, à lire attentivement, suivie de remarques instructives ou divertissantes :

Le 10 juin 2009, par sa décision n° 2009-580 DC, le Conseil constitutionnel a examiné le recours dont il avait été saisi par plus de soixante députés à l'encontre de la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet. La saisine mettait en cause les articles 5, 10 et 11 de la loi.

I - Sur les articles 5 et 11 de la loi déférée.

L'article 5 de la loi crée la « Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet » (HADOPI). La commission de protection des droits de cette Autorité a pour mission de mettre en œuvre les nouveaux mécanismes d'avertissement et de sanction des titulaires d'accès à internet qui auront manqué à l'obligation de surveillance de cet accès. L'article 11 de la loi définit cette obligation de surveillance.

Le Conseil constitutionnel, gardien des droits et libertés constitutionnellement garantis, a jugé que plusieurs des dispositions de ces articles 5 et 11 n'étaient pas conformes à la Constitution :

- La liberté de communication et d'expression, énoncée à l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, fait l'objet d'une constante jurisprudence protectrice par le Conseil constitutionnel (voir dernièrement décision n °2009-577 DC du 3 mars 2009). Cette liberté implique aujourd'hui, eu égard au développement généralisé d'internet et à son importance pour la participation à la vie démocratique et à l'expression des idées et des opinions, la liberté d'accéder à ces services de communication au public en ligne.

Or les articles 5 et 11 de la loi déférée confiaient à la commission de protection des droits de la HADOPI des pouvoirs de sanction l'habilitant à restreindre ou à empêcher l'accès à Internet à des titulaires d'abonnement. Ces pouvoirs pouvaient donc conduire à restreindre l'exercice, par toute personne, de son droit de s'exprimer et de communiquer librement. Dans ces conditions, le législateur ne pouvait, quelles que soient les garanties encadrant le prononcé des sanctions, confier de tels pouvoirs à une autorité administrative dans le but de protéger les titulaires du droit d'auteur. Ces pouvoirs ne peuvent incomber qu'au juge.
- L'article 9 de la Déclaration de 1789 pose le principe de la présomption d'innocence duquel il résulte que la loi ne saurait, en principe, instituer de présomption de culpabilité en matière répressive (n° 99-411 DC du 16 juin 1999). Or, aux termes de la loi déférée, seul le titulaire du contrat d'abonnement à internet pouvait faire l'objet des sanctions instituées. Pour s'exonérer, il lui incombait de produire des éléments de nature à établir que l'atteinte portée au droit d'auteur procède de la fraude d'un tiers. En méconnaissance de l'article 9 de la Déclaration de 1789, la loi instituait ainsi, en opérant un renversement de la charge de la preuve, une présomption de culpabilité pouvant conduire à prononcer contre l'abonné des sanctions privatives ou restrictives du droit.

De cette double analyse au regard des droits et libertés constitutionnellement garantis, et sans qu'il ait eu besoin d'examiner les autres griefs des requérants, le Conseil constitutionnel a censuré, aux articles 5 et 11 de la loi déférée, toutes les dispositions relatives au pouvoir de sanction de la commission de protection des droits de la HADOPI.

Le Conseil constitutionnel a également examiné les pouvoirs d'avertissement confiés à la même autorité. Ces pouvoirs sont exercés à la suite de la transmission, par les sociétés d'auteur, de traitements de données à caractère personnel relatives aux infractions. Dans sa décision n° 2004-499 DC du 29 juillet 2004, le Conseil avait jugé que de tels traitements ne peuvent, sous peine de contrevenir au droit au respect de la vie privée, acquérir un caractère nominatif que dans le cadre d'une procédure judiciaire. Tel n'aurait pas été le cas si la HADOPI avait disposé des pouvoirs de sanction prévus par la loi déférée. Cependant, à la suite de l'annulation de ces derniers, cette autorité ne dispose plus que d'un rôle préalable à une procédure judiciaire. Son intervention est justifiée par l'ampleur des contrefaçons commises au moyen d'internet et l'utilité, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, de limiter le nombre d'infractions dont l'autorité judiciaire sera saisie. Il s'ensuit que les traitements de données à caractère personnel s'inscrivent dans un processus de saisine de juridictions compétentes et ne sont pas contraires à la Constitution. Le Conseil a cependant formulé une réserve pour rappeler qu'il appartiendra à la CNIL, lorsqu'elle sera saisie de la demande d'autorisation de ces traitements de données à caractère personnel, de veiller à ce qu'ils respectent cette finalité.

II - Sur l'article 10 de la loi déférée.

L'article 10 de la loi déférée confie au tribunal de grande instance le pouvoir d'ordonner les mesures nécessaires pour prévenir ou faire cesser une atteinte à un droit d'auteur ou un droit voisin. Le législateur n'a pas méconnu la liberté d'expression et de communication en confiant ce pouvoir au juge. Il appartiendra à la juridiction saisie de ne prononcer, dans le respect de cette liberté, que des mesures strictement nécessaires à la préservation des droits en cause.

Si c'est trop fatiguant de lire et de réfléchir, allez lire l'analyse de Numerama.

Les absurdités françaises

Le Président de la République française a oublié de supprimer le Conseil constitutionnel, mince.

La loi Hadopi, comme l'a été la loi DADVSI depuis 2006, sera bientôt reléguée au rang des absurdités de la République française. Deux ministres de la Culture se sont tout de même hautement distingués pour faire voter ces deux absurdités.

À l'Assemblée nationale, lors du vote de la suspension d'accès à l'internet (source: site de France-Culture, dossier Hadopi), lancer de poids de la Ministre de la Culture et répartie d'une députée des Verts (M. Billard) :

— Nous sommes pionniers, car champions du piratage et du haut débit.

— Si la France pouvait éviter d’être pionnière dans l’absurdité, nous serions tous fiers d’être Français.

La censure d'Hadopi par le Conseil consitutionnel, résumée par un juriste

Le journal Le Monde, en ligne, invite Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel à l'université de Montpellier, à résumer la censure d'Hadopi par le Conseil consitutionnel.

Selon Dominique Rousseau, cette censure « est nette, sans appel, claire et particulièrement motivée. C'est la plus sévère depuis une bonne dizaine d'années » :

Le Conseil constitutionnel offre une motivation particulièrement sévère, puisqu'il accuse le gouvernement, à l'origine de cette loi, d'avoir méconnu à la fois la liberté d'expression, le principe de la séparation des pouvoirs et la présomption d'innocence.

L'article du Monde conclut:

En imposant un juge pour prononcer la coupure de l'accès Internet, le Conseil constitutionnel fait par ailleurs peser un risque d'engorgement de la justice qui pourrait rendre la riposte graduée difficilement applicable.

Tout à fait comme la loi précédente DADVSI.

L'internet, un droit fondamental

Dans sa censure d'Hadopi, le Conseil constitutionnel établit sans détour que l'internet est un droit fondamental, égal à la liberté d'expression.

Nous sommes donc aux antipodes de l'affirmation faite par la Ministre de la Culture lors des débats à l'Assemblée nationale que l'internet n'était pas un droit fondamental.

Flibustiers de la République et de l'Europe

Allons enfants de la patrie-i-ie et vogue(nt) le ou les élus du Parti Pirate suédois au Parlement européen.

À suivre, un article sur le sujet de la flibusterie, inspiré par un théologien protestant, ouh-là…