Mozilla, GNU/Linux, le Libre (et les femmes ?)
Le projet de loi DADVSI porte sur le droit d'auteur et englobe les logiciels libres.
Loin d'avoir à cœur de défendre les moyens d'existence des auteurs, le projet de loi met en péril les libertés des citoyens, libertés ordinaires et allant de soi dans une démocratie ordinaire. C'est pourquoi il a, contre toute attente, soulevé de fermes oppositions parmi les députés de la majorité.
Les «majors» de la musique perdent des sous, ils ne vendent plus de CD. Pleurons. Les disquaires dignes de ce nom ayant presque tous disparus, l'internet peut prendre le relais. La faute à qui si Harmonia Mundi est pratiquement le seul petit disquaire (et de qualité) que l'on trouve en ville — et même, grâce à la Librairie Le Pouzadou, dans la toute petite ville du Vigan ?
La France se ridiculiserait si elle adoptait le projet de loi DADVSI.
En effet, l'Union européenne est justement en train de mettre au pas Micro$oft qui veut encore accroître son monopole et qui doit être très mécontent des 10% de part de marché de Firefox, navigateur libre, et qui se fiche des exigences de l'Europe.
Enfin, l'Union européenne veut corriger son EUCD (dont le DADVSI s'affiche comme la transposition nationale) car elle s'est aperçu de ses dysfonctionnements. Il serait donc raisonnable d'attendre la révision de l'EUCD pour fabriquer notre loi moderne et à la française sur le droit d'auteur.
Le projet de loi DADVIS (Droit d'Auteur et les Droits Voisins dans la Société de l'Information) ne défend pas le droit d'auteur, contrairement aux apparences. Ce projet est présenté en urgence et le vote ne sera pas précédé de débats, un soir où l'Assemblée nationale sera sans doute quasi déserte.
Si le projet est adopté, adieu nos chères libertés, bien ordinaires et bien modestes et pourtant souvent bafouées. Pas besoin d'être un révolutionnaire patenté pour être indigné et avoir envie de monter sur les barricades après quelques lectures.
Vous vous rappelez sans doute tout le foin qui a été fait autour de ces malheureux auteurs tués par les bibliothèques qui engrangeaient leurs livres que personne n'avait ainsi plus besoin d'aller acheter. S'il y a une crise de l'édition et des librairies, elle est due à des facteurs qui n'ont rien à voir avec les rayons de bibliothèques. Quant aux auteurs, c'est plutôt à leurs éditeurs qu'ils devraient se plaindre, d'autant plus s'agissant des grosses maisons d'éditions.
Ce qu'on appelle le droit d'auteur est souvent prétexte à bien des abus:
Le droit d'auteur permet de rémunérer très faiblement l'auteur ou de ne pas le rémunérer du tout (bon nombre de revues universitaires). C'est sur la vente d'un livre ou d'un disque que l'auteur ou l'artiste est payé -- le pourcentage de 8% sur le prix hors taxe d'un livre est monnaie courante, si l'on peut dire. Ce n'est pas lourd. Le prix d'un CD dans les bacs, comme on dit, n'a rien à voir avec son coût réel ni avec la rémunération de l'auteur.
Le droit d'auteur est en fait un copyright qui dépossède l'auteur de son œuvre devenant la propriété de la maison de disque ou de l'éditeur. Une fois son livre publié, l'auteur ne peut plus le publier ailleurs, ni sur le web. Allez voir par exemple le site d'Alsa Créations: l'auteur a retiré de son site les articles qui étaient devenus des chapitres d'un livre qu'il a rédigé après leur publication sur son site. L'auteur est ainsi dépossédé même de ses publications antérieures. Le droit d'auteur assure en fait la propriété de l'œuvre à l'éditeur et de la gloire à son auteur, parfois.
Les maisons de disque fulminent contre les téléchargements illégaux de musique depuis un bon bout de temps, on le sait. Elles ne fulminent pas contre le prix de vente des CDs de musique — qui suivrait l'exemple de la maison Naxos qui gagne de l'argent en proposant des CDs de qualité à un prix abordable ? Naxos choisit quelques musiciens qui couvrent un vaste répertoire et les enregistrements sont faits en une prise de son dans des lieux dont l'acoustique est excellente, ce qui dispense des techniques onéreuses que s'offrent les maisons de disques plus célèbres. Après avoir longtemps caché les CDs Naxos dans des recoins pour mettre en vue les disques les plus chers un supermarché de culture bien connu peut s'étonner de ne pas trouver d'acheteur de Naxos à un moment où les ventes stagnent. Les clients se méfient de ces CD pas chers et le rayon de musique classique s'est réduit, comme une peau de chagrin, à quelques tubes de musiques de pub ou de cinéma, que ce soit à Lille ou à Montpellier.
Sous prétexte de protéger leurs ventes de CDs, les maisons de disques et les maisons de production cinématograhique toutes puissantes (les «majors») et quelques multinationales de logiciels propriétaires (dont Micro$oft et Apple) ont convaincu la SACEM (société de gestion du droit d'auteur) de convaincre le gouvernement (à moins que ce ne soit dans l'ordre inverse, je ne sais) de faire passer un projet de loi nommé «Droit d'Auteur et les Droits Voisins dans la Société de l'Information» (DADVSI).
Ce projet de loi met en péril notamment le droit à la copie privée et même au stockage de pages ou autres que vous pouvez faire en téléchargeant librement, et jusqu'à présent légalement, sur le web.
Il prétend imposer l'insertion de techniques pour vous espionner sous prétexte de stopper le piratage. Ainsi, pour être sûr que Gugusse a bien acheté tel CD de musique, tel film en DVD, tel logiciel, un programme sera intégré pour identifier son Gugusse acheteur et seul utilisateur légal — le petit frère de Gugusse est exclu du deal, eh oui, droits d'auteur exigent ! Les spybots en bien mieux, ça vous dit quelque chose ? Et bien sûr, un logiciel comme Spybot Search and Destroy qui supprimerait un tel programme espion serait illégal. Logique.
Il s'agit là d'une atteinte très sérieuse à la vie privée : quelles informations sont enregistrées sur vous, où sont-elles conservées, qui peut y avoir accès ? article à rajouter Pourquoi critiquer Micro$oft ?
C'est même une atteinte à la sécurité des personnes. Vous êtes à la merci non seulement de l'entreprise qui vous a vendu le logiciel ou le CD ou le DVD mais aussi de n'importe quel cracker qui récupèrera ces informations. Un cracker n'est pas seulement un voleur agissant pour son profit personnel, ce peut être une organisation terroriste, une junte militaire, des services secrets (dans l'ordre qui vous chante).
Vous voyez ainsi que les craintes exprimées à l'encontre de Micro$oft par Michael Jennings ne sont nullement infondées ni obsolètes. (article à rajouter Pourquoi critiquer Micro$oft?
Bref, nous assistons à l'alliance entre des entreprises de logiciels propriétaires, des maisons de production musicale et des maisons de production cinématographique, les unes et les autres étant des multinationales.
Une vision libre :
Le livre, comme livre, appartient à l'auteur, mais comme pensée, il appartient — le mot n'est pas trop vaste — au genre humain. Toutes les intelligences y ont droit. Si l'un des deux droits, le droit de l'écrivain et le droit de l'esprit humain, devait être sacrifié, ce serait, certes, le droit de l'écrivain, car l'intérêt public est notre préoccupation unique, et tous, je le déclare, doivent passer avant nous. — Victor Hugo, 1878 Discours d'ouverture du congrès littéraire international, cité dans «Menace sur la copie privée : désir de monopole ?», par Loïc Dachary.
Aucun bien sûr. Mais si ! sauf que c'est totalement aberrant ! Un logiciel libre ne peut contenir une partie cachée à ses utilisateurs ; le code source doit être ouvert à tous. Donc, un logiciel libre ne peut inclure une technique de pistage de ses utilisateurs qui, pour fonctionner, doit être fondé sur du code tenu secret et qu'il est interdit de modifier. Donc, le logiciel libre est déclaré contraire au droit d'auteur et donc, il ne peut pas exister légalement.
Rappel : selon les licences libres, tout le code qui constitue un logiciel libre est accessible à tous et chacun est libre de le modifier (sans s'en rendre propriétaire !).
Lire l'article «Pressions sur le gouvernement pour faire interdire le Logiciel Libre», sur le site de FSF France (Free Software Foundation).
Vendredi 18 novembre 2005, au ministère de la Culture, le SNEP et la SCPP déclarent aux auteurs de Logiciel Libre : «Vous allez changer vos licences.» La SACEM ajoute : «Vous allez arrêter de publier vos logiciels.» Et se déclare prête à «poursuivre les auteurs de logiciels libres continuant de divulguer leur code source» si l'amendement «VU/SACEM/BSA/FT Division Contenus» était voté par les parlementaires.
Au sujet de cet amendement, voyez sur le site de l'EUCD.info : «Exclusif : amendement VU/SACEM/BSA interdisant les logiciels non équipés de mesures techniques» :
Un amendement au projet de loi DADVSI, ayant pour objectif d'assimiler à un délit de contrefaçon, l'édition, la diffusion et la promotion de tout logiciel susceptible d'être utilisé pour mettre à disposition des informations protégées par le droit d'auteur et n'intégrant pas un dispositif de contrôle et de traçage de l'usage privé (mesure technique). Tout logiciel permettant le téléchargement comme certains logiciels de discussion instantané (chat), tout logiciel serveur est concerné (P2P, HTTP, FTP, SSH, ...). Cet amendement surréaliste a été rédigé à l'origine par Vivendi Universal, puis retravaillé par plusieurs membres de la commission Sirinelli, une commission du Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique.
Le texte de l'amendement :
Est assimilé à un délit de contrefaçon :
1° Le fait, en connaissance de cause, d'éditer ou de mettre à la disposition du public, sous quelque forme que ce soit, un logiciel manifestement destiné à la mise à disposition non autorisée au public d'œuvres ou d'objets protégés par un droit littéraire et artistique qui ne comprend pas les mesures pour, en l'état de la technique, préserver ces oeuvres ou objets protégés contre un usage non autorisé.
2° Le fait d'éditer ou de mettre à la disposition du public, sous quelque forme que ce soit, un logiciel autre que celui visé au 1° ci-dessus, dès lors que, ayant connaissance de ce que ledit logiciel est manifestement utilisé pour la la mise à disposition non autorisée au public d'œuvres ou d'objets protégés par un droit littéraire et artistique, l'éditeur n'a pas pris les mesures pour, en l'état de la technique, préserver ces oeuvres ou objets protégés contre un usage non autorisé.
3° Le fait, en connaissance de cause, de promouvoir directement la mise à disposition du public sous quelque forme que ce soit ou l'utilisation d'un logiciel visé au 1° et 2° ci-dessus.
4° Les dispositions ci-dessus s'appliquent sans préjudice de l'application des dispositions de l'article L121-7 du Code Pénal et de celles propres à la loi du 21 juin 2004.
Rappelons que les logiciels libres, qui ne sont pas nécessairement gratuits, sont publiés sous copyright et ne violent en aucune façon le droit d'auteur. Il est légal pour tous (particuliers, entreprises, collectivités, gouvernements, etc.) de les copier et de les distribuer gratuitement ou non. Mais il est interdit à quiconque de s'en rendre propriétaire ou de les transformer en logiciels propriétaires. Il est interdit d'en modifier la licence qui doit être transmise intégralement avec le logiciel, même pour un usage privé.
Rappelons que les logiciels libres (Free Software) font l'objet de la reconnaissance par l'UNESCO comme «Trésor mondial». Rien que cela. L'UNESCO fournit aussi un portail Web dédié aux logiciels libres. Ce qui n'a pas empêché l'UNESCO de s'associer à Micro$oft pour prétendûment faire accéder à l'informatique les pays en développement. Plus d'informations sur le site de l'APRIL (Association pour la Promotion et la Recherche en Informatique Libre).
Je copie ici de larges extraits de trois articles figurant dans le dossier disponible sur «EUCD.info : sauvons le droit d'auteur !» et qui expliquent le projet de loi et ses conséquences en détails.
«Menace sur la copie privée : désir de monopole ?», par Loïc Dachary (Free Software Foundation France). Voici de larges extraits de cet article. (Note : MTP = «mesure technique de protection» (= TPM en anglais ; c'est différent du DRM = Digital Rights Management = GDN en français). Wikipedia EN les distingue (le TPM est un type de DRM), Wikipedia FR les confond.)
Les «mesures techniques de protection» sont la pomme de la discorde. Celle utilisée sur les DVD est largement répandue : elle permet de cacher le contenu du film en le mélangeant selon une méthode appellée CSS. [Rien à voir bien sûr avec les feuilles de style utilisées pour faire un site Web.] Chaque logiciel permettant de visionner un film doit auparavant remettre son contenu dans l'ordre. Si le logiciel ne connait pas CSS, il ne peut donc projeter le film. Bien entendu, l'inventeur de CSS a gardé le secret et ne l'a divulgué qu'à des personnes choisies. Or il s'est trouvé qu'un programmeur avait acquis un DVD et ne disposait d'aucun logiciel pour le voir. À force de travail, il a réussi à deviner par lui-même le secret de CSS et écrit un petit logiciel, appelé DeCSS, permettant de remettre en ordre son film. Il l'a ensuite intégré à un logiciel d'affichage et a enfin profité de son acquisition. Depuis lors, et comme DeCSS est un Logiciel Libre disponible à tous, chacun peut voir le contenu du DVD qu'il a acheté ou loué sans obligation d'acquérir un logiciel approuvé par l'inventeur de CSS.
Comme on l'imagine, l'exemple se décline pour toute forme de création immatérielle, qu'il s'agisse de textes, de sons ou d'images. Il ne se trouve d'ailleurs personne pour prétendre concevoir une mesure technique de protection infaillible : dans le meilleur des cas, elle résiste quelque mois à la créativité des hommes. C'est ce constat qui a mis un terme, vers la fin des années 80, à la course aux mesures techniques de protection. Dans la décade qui a suivi, elles ont progressivement disparu. L'internet s'est développé avec le succès que l'on sait, propulsant sur les réseaux une grande richesse de créations immatérielles dont l'immense majorité n'est protégée par aucune mesure technique. Les auteurs de l'immatériel, participants activement à cette évolution, ne sont pas pour autant privés de moyens légaux pour protéger leurs droits et les défendent chaque jour grâce au droit d'auteur que nous connaissons.
... quelques puissantes multinationales ont vu dans les mutations techniques l'opportunité de modifier les lois afin d'acquérir un contrôle nouveau sur chaque citoyen. Constituées en lobby, elles ont reclamé et obtenu en 1996 un traité international (Traité OMPI sur le droit d'auteur) imposant aux États signataires de prendre des mesures légales appropriées pour punir le contournement de mesures techniques de protection.
Absurdité, comme le montre Loic Dachary. En effet, l'auteur n'est en rien floué par le choix que vous faites de tel ou tel support pour lire, écouter ou regarder son œuvre. Le support n'a rien à voir avec la contrefaçon. Toutes ces histoires n'ont rien à voir non plus avec les droits de l'auteur.
... l'objectif recherché n'est ni la punition des contrefacteurs ni la défense des intérêts légitimes de l'auteur. Il s'agit d'instituer un contrôle.
Un contrôle ?
L'inventeur d'une mesure technique de protection prétend détenir un monopole sur son utilisation. Il entend ainsi imposer à tous des conditions contractuelles, dont il détermine les termes à sa convenance, et qui contrôlent le fonctionnement de tout dispositif qui met en œuvre la mesure technique de protection. Par exemple, si un créateur de logiciel permettant de lire un DVD demande la permission à l'inventeur de CSS, il l'obtiendra à condition que son logiciel se comporte d'une certaine façon. Le logiciel devra, entre autre, interdire à l'utilisateur de passer outre la séquence d'introduction contenant diverses publicités. L'inventeur de CSS a attaqué en justice le créateur de DeCSS car il lui devenait impossible d'imposer ses conditions contractuelles, il perdait le contrôle.
Un industriel français doit pouvoir décider en toute indépendance de créer un logiciel permettant de jouir d'une œuvre numérique. Un auteur cherchant à imposer des conditions à cet industriel se verrait immédiatement accusé de fausser les règles de la concurrence. À l'inverse, un consommateur qui tenterait de forcer l'auteur à fournir, par exemple, le moyen de faire des copies privées, se verrait opposer que cela dépend exclusivement des logiciels, sur lesquels l'auteur n'a pas et ne peut pas avoir prise.
Conclusion :
La mesure technique de protection ne permet donc aucun contrôle par l'auteur de l'utilisation de son œuvre, ce contrôle est tout entier dans les relations contractuelles entre l'inventeur de la mesure technique de protection et les créateurs de logiciels.
Bref, la mesure technique de protection favorise le monople de quelques gros logiciels propriétaires unis aux inventeurs d'une telle mesure technique de protection. Ce qui veut dire ? Windows Media Player de Micro$soft est légal, Mplayer, VLC et autres lecteurs multimédia libres deviennent illégaux. Qui est protégé par un tel dispositif ? Votre rockeuse préférée ?
C'est comme si voir un film dans un cinéma d'art et d'essai devenait illégal et que seuls étaient légaux les multiplexes ou les salles UGC ou Gaumont. Quel rapport avec le droit d'auteur du réalisateur du film ?
Lisez aussi «Gestion des droits numériques» sur Wikipedia. Et suivez les liens indiqués en référence au bas du même article.
Les extraits qui suivent sont copiés de l'article «Quel est le problème ?», figurant sur le site EUCD.info: sauvons le droit d'auteur !
Graver ses propres compilations à partir d'un CD, extraire son morceau favori pour l'écouter sur son ordinateur, le transférer vers un baladeur MP3, prêter un CD à un ami, lire un DVD avec un logiciel libre ou bien le dupliquer pour en disposer à la fois chez soi et dans sa maison de campagne : autant de pratiques très répandues, et parfaitement légales, que le gouvernement propose de proscrire de fait. Le projet de loi sur le Droit d'Auteur et les Droits Voisins dans la Société de l'Information (DADVSI) (n°1206) que le gouvernement va tenter de passer en force dans les prochaines semaines via une procédure d'urgence, légitime en effet les dispositifs techniques de contrôle d'usage installés par les éditeurs et les producteurs sur les CD et les DVD. Et surtout, il prévoit des sanctions pénales pour qui s'aviserait de les faire sauter.
En plus de mettre à mort la copie privée tout en conservant la redevance associée, le projet de loi DADVSI prévoit jusqu'à trois ans de prison et 300 000 euros d'amende pour le simple fait de lire un DVD avec un logiciel non autorisé par l'éditeur du DVD. Un tel acte est assimilé dans le projet de loi à un délit de contrefaçon. Cela revient à dire qu'un éditeur de livres peut imposer une marque de lunettes pour lire les livres qu'il fait imprimer, et que tout lecteur qui se permet de lire ces livres avec des lunettes d'une autre marque est un «pirate».
La simple conversion de fichier dans un autre format que celui que vous a fourni le vendeur sera bien sûr illégale.
Le projet de loi DADVSI interdit, par là-même, la conception, la distribution et l'utilisation de logiciels libres permettant d'accéder à une œuvre protégée. Si le projet de loi est adopté en l'état, il sera illégal d'utiliser un logiciel comme VLC (plusieurs millions de téléchargements) ou tout autre lecteur multimédia utilisant l'algorithme DeCSS. Cet algorithme sera en tant que tel prohibé.
Le fait, en connaissance de cause, de faire connaître, directement ou indirectement, un outil ou un algorithme prohibé par le projet de loi est également sanctionné, indépendamment du fait que l'outil en question puisse avoir une utilisation principale autre que le contournement (la lecture d'un DVD par exemple). Ce n'est absolument pas requis par la directive et pour une bonne raison. C'est une porte ouverte à la censure. La liberté d'expression des auteurs de logiciels libres, mais aussi des chercheurs en sécurité informatique, des universitaires et des journalistes, est directement menacée.
Libre Fan peut plier bagage et s'exiler, ainsi qu'une partie de l'administration française qui s'est mise aux logiciels libres !
De facto, seuls les titulaires ayant les moyens de s'acheter des licences d'utilisation pourront lire une copie originale ou privée, et ce alors que le droit d'accéder à une œuvre divulguée ne relève pas du monopole de l'auteur, pas plus que le droit de lire.
Concrètement, si le processus en cours va à son terme, le fait même de stocker de l'information pour son usage privé pourrait disparaître, avec tout ce que cela peut signifier en terme de liberté de pensée, d'opinion et de droit à l'information. À l'inverse, tout accès à de l'information protégée par le droit d'auteur pourrait être tracé à des fins de contrôle d'usage ou de facturation à l'acte, avec les risques correspondants pour la vie privée et la protection des données personnelles.
Voici maintenant des exemples concrets et bien réels de l'absurdité dangereuse d'un projet de loi comme DADVSI. Je reproduis ci-dessous presque tout le contenu d'une note intitulée «Insécurité juridique, recherche, innovation» et qui vient du site EUCD.info : sauvons le droit d'auteur.
Contrairement à l'EUCD et au DADVSI, le DMCA contient des exceptions à l'interdiction de neutralisation des mesures techniques et notamment des exceptions pour la cryptographie, la sécurité informatique, la vie privée et l'interopérabilité. Qui plus est, tous les trois ans, le Copyright Office a pour mission de rajouter des exceptions. Par exemple, le public américain peut contourner une mesure technique qui, obsolète ou dysfonctionnant, empêcherait l'accès à une œuvre. Au final, il existe actuellement une dizaine d'exceptions à l'interdiction de contournement.
Le DMCA est donc moins extrême que nos EUCD et DADVSI. Et pourtant :
Tout cela n'a pas empêché que de 2000 à 2002 des chercheurs américains en sécurité informatique ont été menacés de poursuites sur la base du DMCA. Un développeur russe venu faire une conférence sur les failles de sécurité du système d'Adobe a lui été arrêté par le FBI en juillet 2001 à la sortie de sa conférence et jeté en prison. Il n'a pu rentrer chez lui que lorsque son entreprise, une PME, s'est substituée à lui.
En août de la même année, un chercheur hollandais en cryptographie ayant découvert une faille dans un dispositif Intel (HDCP) et rédigé un article académique sur sa découverte a préferé se censurer plutôt que de risquer l'arrestation lors de sa prochaine visite aux États-Unis.
Au final, il aura fallu près de trois ans, un appel devant la Cour Suprême — et l'intervention du gouvernement américain avant le verdict — pour que les avocats des chercheurs américains concernés soient rassurés et abandonnent l'appel.
...des liens hypertextes pointant vers des logiciels neutralisant des mesures techniques, et présentés comme permettant, non pas de contrefaire, mais de contourner à des fins d'usage licite (copie privée sur tout support par exemple), ont déjà été interdits en Allemagne sur la base de la loi transposant l'EUCD.
VLC est un lecteur multimedia libre qui fonctionne sous GNU/Linux, M$Windows, Mac OS X et bien d'autres OS et plate-formes.
En France, des étudiants de l'École centrale de Paris travaillant sur une suite de vidéo à la demande (VLC), logiciel libre utilisé en exploitation par plusieurs entreprises du CAC 40 et des centres de recherche publics, ont été menacés par un grand éditeur de logiciels propriétaires américain (Apple). La base légale utilisée était la directive 2001/29CE.
La société américaine reprochait aux étudiants français d'avoir développé un lecteur multimédia interopérable et d'avoir divulgué son code source alors qu'il contient des méthodes permettant la neutralisation d'une mesure technique que cette société développe et distribue. Ces méthodes sont implémentées dans le logiciel VLC pour permettre la conversion d'un flux à un format quelconque, donc à des fins d'interopérabilité.
Les Centraliens ont objecté que la directive 2001/29CE n'était pas transposée, qu'ils n'avaient violé aucun secret industriel et qu'ils ne portaient atteinte ni à un droit d'auteur, ni à un brevet. Aux dernières nouvelles, pas de nouvelles.
Mais si le projet de loi DADVSI passe en l'état, devront-ils choisir entre arrêter de développer du logiciel libre, continuer à prendre le risque d'un procès pour absence de prise en compte de leurs droits dans l'acquis communautaire actuel relatif au droit d'auteur, ou partir dans un pays qui n'aura pas mis en œuvre de façon aussi extrême les traités OMPI repris dans la directive 2001/29CE, ou qui tout simplement ne les aura pas ratifiés ?
Je reviens sur le mot «interopérabilité», qui caractérise les logiciels libres et les formats ouverts. Au lieu de fabriquer des formats de fichier bien fermés et qui ne fonctionnent qu'avec tel type de logiciel, les logiciels libres utilisent des formats libres ou semi-ouverts (voir la collaboration bénéfique d'Helix Player, logiciel libre et de Real Player, logiciel propriétaire ayant créé ses propres formats). En audio, OGG est un exemple de format libre — et de meilleure qualité que d'autres formats fermés.
En plus, les logiciels libres essaient d'être compatibles avec des formats propriétaires pour que les utilisateurs puissent lire plusieurs type de format avec un même logiciel libre. OpenOffice.org peut ainsi lire les formats de la suite bureautique de Micro$oft.
Enfin, OOo (OpenOffice.org) vient d'adopter un format appelé Open Document caractérisé par son interopérabilité, c'est-à-dire qu'il est lisible sur différent supports (votre navigateur, par exemple). Il n'a pas été créé par OOo et ne dépend pas de cette suite bureautique, pas plus que le HTML n'est lié à un logiciel précis. Tout navigateur peut lire un fichier HTML et même tout éditeur de texte.
La Commission européenne a adopté ce format (Open Document) et a rejeté le format dit «Open» (= ouvert) que voulait imposer Micro$oft qui n'était compatible qu'avec les produits M$ — of course. Voir David A. Wheeler, «Why OpenDocument Won (and Microsoft Office Open XML Didn't», 2 sept. 2005, mis à jour 16 sept.2005). Triste ironie quand le projet de loi DADVSI vient couronner les multinationales.
Nous pouvons espérer être sauvés du désastre par l'absurdité même du projet de loi DADVSI. C'est un inextricable fouillis juridique inapplicable, comme feu le projet de loi sur les brevets logiciels.
Imaginez un peu : Le CHU de Tourcoing qui a adopté OpenOffice.org, suite bureautique libre, et qui sera représenté aux journées sur les logiciels libres à Montpellier, serait mis en tôle en la personne de son directeur !
La gendarmerie française en prison ? Ils ont quitté M$ pour OpenOffice.org.
Cela n'empêche. Le danger menace. Il vaudrait mieux montrer clairement à la SACEM et à nos élus que leur projet de protection des auteurs est une imposture inacceptable et que nous la refusons absolument.
Si cette loi passe, sa complexité et ses absurdités permettront de traîner devant les tribunaux des auteurs de logiciels libres ou de contenu libre (musique, textes, vidéo, graphisme, photographie) et les ruineront en frais de justice à défaut de les jeter en prison si le procès est perdu par le plaignant.
Profitez des logiciels libres et téléchargez-en autant que vous pouvez ; jusqu'au 22 décembre 200, c'est garanti légal ! Pourquoi ne pas commencer par VLC dont il a été question dans cet article ? J'y vais de ce pas même si je n'en ai guère besoin pour le moment et j'écouterai un CD dûment acheté par le passé. Ah, et ensuite profitez-en pour essayer des logiciels libres !
Écoutez vos CDs sur une chaîne HI-FI et non sur un support relié à l'internet — seul moyen, peut-être, de ne pas être espionnés.
Il y a peut-être un lien à faire avec art35. À force de désirer tout gratuit et tout ce qui brille au lieu de tourner le dos à ces majors et de soutenir la création de musique libre, le piège se referme. L'ennui, c'est que tous sont sanctionnés : les esclaves (ils ne peuvent pas tout avoir : il y a de la musique major mais il n'y a pas de liberté major — cela vaut pour les artistes et pour le public) et les semi-libres (ceux qui refusent la culture major mais peut-on tout à fait échapper aux majors ? Regardez la marque de votre appareil de radio-cassettes ou le moniteur de votre ordinateur).
Les choses ne sont pas si simples — il y a de la bonne musique qui est aussi la possession des majors mais peut-être sans la médiocrité musicale aucune fortune ne se ferait et il n'y aurait pas de majors ?
Mais on ne refait pas le monde et il ne nous reste plus qu'à espérer (après avoir agi !) que nos libertés ne seront pas amputées.
Conclusion imagée à rajouter
Image que j'ai trouvée sur le Wiki de Framasoft (EUCD). Je n'ai pas trouvé le nom de l'auteur. La légende de l'image (titre et description) est la mienne. J'ai supprimé le bas de l'image (bannière:"Sauvons le droit d'auteur") car il pouvait prêter à confusion dans le contexte.
Cette image éloquente me semble bien refléter la confusion entre la diffusion et la transmission de la culture par la copie d'une part et, de l'autre, la contrefaçon qui n'est pas un phénomène moderne (elle remonte certainement avant l'imprimerie) et qui a pris de larges proportions avec l'invention de l'imprimerie.
NB : Cette image est peut-être illégale. Le portrait de Gutenberg est peut-être enfermé dans un copyright, s'il n'appartient pas au domaine public. Il vient peut-être d'un livre de classe qui reproduit une illustration sous copyright d'une bibliothèque.
Libre-Fan respecte scrupuleusement le droit d'auteur — pas une image qui ne soit libre ou pour laquelle l'accord de l'auteur n'a été obtenu ; pas une modification d'image qui ne soit dûment signalée et décrite ; le nom de l'auteur est indiqué quand c'est possible.
Mais en signe de protestation contre le projet de loi DADVIS, Libre-Fan publie pour une fois une image qui, peut-être, ne respecte pas le copyright.
Derniers commentaires