Mozilla, GNU/Linux, le Libre (et les femmes ?)
miloune a assisté à un concert de Joan Baez, en salle, à Lille, en 1987 ou 1988, et ce fut une surprise pour elle d'aller la revoir à son retour de… Lille, précisément. Ce fut à Montpellier.
Au fur et à mesure de la vérification des sacs par le service de sécurité, le jardin du Peyrou s'est rempli lentement, samedi 24 octobre 2009, entre 18h et 20h, d'une foule tranquille, de tous âges, des adolescents avec leurs parents ou avec des copains et copines, des gens chenus nés avec et avant Joan Baez qui, à 68 ans, fait une tournée en Europe. Elle était à Rodez la veille pour un concert en salle.
Voici un bout d'une carte de Monpellier prise sur OpenStreetMap, wiki de cartographie libre. Vous y voyez le jardin du Peyrou avec ses carrés de verdure et ses allées rectilignes :
C'est assez rare de voir rassemblées plusieurs générations pour un concert en plein air, des bambins aux arrières-grands parents. Ce n'était pas Woodstock mais un souvenir de la grande époque mêlés de nouveautés du dernier album de la chanteuse folk et engagée.
Le podium ressemble plutôt à un échaffaud dans la pénombre, avec la lune.
Le Midi-Libre a largué sur son site web un petit papier, le dimanche, avec une vilaine photo, et le lundi une autre vilaine photo et un papier détaillé du piteux accueil fait à Joan Baez par les organisateurs de Montpellier, doublé de l'annulation puis de la restauration de la première partie qui devait être consacrée à une chanteuse et guitariste locale, Marianne Aya Omac.
De notre côté de spectatrices attentives à ne pas restées coincées derrière un platane, nous n'avons pas compris grand-chose à ces bouleversements mais nous avons entendu Marianne Aya Omac qui, s'appelant Marianne, nous a lancé une Marseillaise aux paroles rénovées et pour la chanson finale, nous avons entendu un joli duo de femmes. Le Midi-Libre nous apprend le reste.
C'est Joan Baez qui a fait monter en scène l'artiste annulée, qui a mis ses propres musiciens à sa disposition et qui a chanté avec elle en duo une chanson de Mercedes Sosa (célèbre chanteuse argentine qui s'est exilée à Paris pendant la dictature de Videla).
Vrai gentleman, Joan Baez… Surtout après le confort de sa loge de fortune et le repas de princesse préparé par les organisateurs montpelliérains (voyez plus bas les détails sordides). Je pense qu'un de nos chanteurs nationaux, vous savez, celui qui voulait devenir belge par admiration pour Jacques Brel :lol: , se serait fait un plaisir de tout défoncer, comme il l'a fait dans son hôtel, lors d'un concert à Roubaix, sans avoir été mal reçu, il y a longtemps (selon la presse de l'époque).
Soudain, voici Joan Baez, c'est-à-dire que nous apercevons une silhouette avec des cheveux gris, une grande écharpe verte, un costume brun. Elle chante a capella, sans introduction, devant une foule qui est encore en train de piailler dans ses téléphones mobiles, de rire, «Swing Low, Sweet Chariot», qu'elle a chanté autrefois, certes à Woodstock mais aussi en 1992, devant la prison de San Quentin pour protester contre l'exécution du premier homme qui fut condamné à mort en Californie après le rétablissement de la peine de mort dans cet État.
Je me suis demandé pourquoi un «Negro Spiritual» faisait partie de son répertoire et j'ai cherché.
«Swing Low, Sweet Chariot» a été enregistré pour la première fois en 1909 mais ce célèbre «Negro Spiritual» a été composé bien avant cette date (avant 1862), par Wallis Willis, Afro-Américain esclave dans la nation indienne Choctaw, libéré après la Guerre de Sécession, et donc membre de cette nation (les Choctaw avait adopté l'esclavage).
C'est dans les années 1960, pendant de la lutte pour l'égalité des Noirs (Civil Rights), contre la ségrégation et lors de la renaissance du folk que ce chant est arrivé au-devant de la scène. L'interprétation de Joan Baez au festival de Woodstock est resté dans les mémoires.
Le plus surprenant dans le destin de ce chant est qu'il est l'hymne des joueurs de rugby, en particulier anglais. Le site Every Hit propose une explication que je résume dans un autre billet : «Swing Low Sweet Chariot», histoire de liberté.
Les deux autres chansons retrouvées du bon vieux temps de Woodstock, à côté de «Swing Low, Sweet Chariot», furent «We Shall Overcome» et «Sweet Sir Galahad» (composée par Joan Baez).
Quelques mots s'imposent au sujet de «We Shall Overcome». Les paroles de ce chant sont inspirées d'un gospel de 1901, publié en 1947 sous le titre «We Will Overcome» et devenu l'hymne non officiel du mouvement pour l'Égalité des Droits pour les Noirs américains (Civil Rights Movement) dans les années 1960. Il est aussi devenu un chant de protestation non-violente repris dans le monde entier.
Joan Baez l'a chanté lors de la célèbre marche sur Washington, en 1963 et elle était là quand Martin Luther King a entonné son fantastique discours «I have a dream».
Bonne nouvelle, ce chant est tombé dans le domaine public (aux USA, le copyright d'une chanson a une durée de vie de 100 ans, misère) et vous pouvez donc faire des paroles ce que bon vous semble, ou presque, sans vous occuper de royalties et de droit d'auteur (il faut tout de même montrer un peu de respect pour le texte, sinon les descendants des ayants-droit peuvent vous faire un procès).
Le plus amusant, c'est que l'auteur du gospel, Charles Tindley, pasteur de l'église africaine méthodiste épiscopale, est le premier compositeur d'hymnes religieux à avoir bénéficié du droit d'auteur.
La version que Joan Baez a chantée au Jardin du Peyrou est celle qu'elle a modifiée le 25 juin 2009 en y insérant des vers en farsi (langue perse) comme signe de soutien au peuple iranien. Vous pouvez voir une vidéo qu'elle a faite et publiée de son interprétation (c'est sur YouTube et sur le site officiel de Joan Baez).
Sa troisième chanson, je crois, fut «God Is God». La voici présentant en français cette chanson en des mots du style : «Dieu, ce n'est pas moi, Dieu, ce n'est pas vous… Dieu est Dieu, c'est simple». Mazette, c'est presque la célèbre citation de l'Exode, Dieu répondant à Moïse : «Je suis ce que je suis» et qui a donné lieu à tant de commentaires. Il y a eu comme un froid, on eusse dit. Tout le reste étant en anglais, c'est passé sans accroc en notre laïque république.
Cette chanson commence ainsi: «I believe in prophecy», puis affirme «I believe in God and God ain't us, God is God».
Il y a une vidéo de bonne qualité sur YouTube, par stefco34, (merci) et vous pourrez retrouver les paroles et l'accompagnement par les instruments à cordes vraiment réussi.
Joan Baez fait l'effort de parler français et de dire des phrases dans des langues étrangères comme le farsi ou l'arabe, (dans une chanson a capella pour remercier un porteur de pâtisseries orientales) et ainsi fait voyager des messages de paix tel un drogman (= «interprète», de l'arabe «tourdjoumân» [«traducteur»]) mais elle est surtout connue comme interprète de chansons d'autres compositeurs.
Nous avons donc eu le plaisir d'entendre «Suzanne», de Leonard Cohen, «Farewell Angelina» et «Blowin' in the wind» de Bob Dylan. D'après le sympathique billet de Julien Segura (Haut courant), elle a aussi chanté (en français) «Manhattan Kaboul» de Renaud. Cela nous a totalement échappé.
À côté de «Swing Low, Sweet Chariot» et de «We Shall Overcome», cités plus haut, Joan Baez a chanté ce soir-là «Here's to you (Nicola & Bart)», dédié à la mémoire de Ferdinando Nicola Sacco et Bartolomeo Vanzetti, deux Italiens appartenant à une organisation anarchiste connu pour sa violence (bombes et assassinats) et qui ont été condamnés à mort et électrocutés après un procès bâclé et dénué de preuves formelles. Paroles de Joan Baez et musique d'Ennio Morricone.
Apparemment, on ne semble pas savoir à ce jour si l'un ou l'autre de ces hommes étaient coupables des vols à main armée accompagnés de deux homicides pour lesquels ils ont été exécutés mais la question n'est pas là tant le procès s'est révélé injuste. En 1977, le gouverneur du Massachussetts, lieu de leur condamnation, a fait une déclaration disant que les noms de Sacco et Vanzetti devaient être lavés de tout opprobre du fait de la faillite de la justice à l'encontre de ces deux hommes.
Voici un extrait de «Here's to you (Nicola & Bart)», dont le dernier vers rappelle les paroles de Vanzetti au juge Thayer (9 avril 1927) : «Ce dernier moment est le nôtre. Cette agonie est notre triomphe». (traduction trouvée dans l'article en français de Wikipédia, «Affaire Sacco et Vanzetti») :
Here's to you, Nicola and Bart
Rest forever here in our hearts
The last and final moment is yours
That agony is your triumph
«Bart» est le diminutif de «Bartholomew» (= Bartolomeo en italien).
Encore une chanson qui a une longue histoire. Son vrai titre, c'est «Dana, Dana». Elle fut composée en Yiddish pour une comédie musicale (Esterke [1940-1941]). C'est aussi un chant communiste et socialiste qui est pourtant chanté dans les écoles au Japon. Sous le régime des Nazis, «Dana, Dana» fut interdite. Elle est maintenant interdite en Corée du Sud. Vous voilà prévenus, n'allez pas chantonner «Laugh and laugh the whole day through» dans ce coin de l'Asie !
Sur le web, se trouve une vidéo de l'interprétation de Lisa Fishman (en Yiddish) qui est remarquable.
Interprété par Joan Baez, ce soir-là, ce fut très beau. C'est d'ailleurs les interprétations de Joan Baez en 1960 et de Donovan en 1965 qui ont rendu célèbre «Donna, Donna». (Donovan, pour les ignares de mon genre, est un compositeur-interprète et guitariste britannique, qui fut copain avec Joan Baez et les Beatles, entre autres).
Je conserve dans un autre billet les paroles de ce chant qui vous intime d'avoir le cran d'être libres au lieu de vous laisser mener à l'abattoir comme un malheureux petit veau. Chanson pour notre temps aussi. Voyez «Donna, Donna», chanté par Joan Baez.
Joan Baez a chanté au moins une chanson de son dernier album, Day After Tomorrow : «God Is God» (composé par Steve Earle). La Direction de la Communication de la Ville de Montpellier a pris l'image de la couverture de ce CD pour en faire ses affichettes. Espérons qu'elle a bien demandé la permission à Joan Baez en ces temps d'Hadopi où le gouvernement défend à croc de boucher les magnats de la musique et du cinéma à nos dépends et où l'Élizée est surpris à faire de la contre-façon sans vergogne (Le Canard Enchaîné, [n° 4641, 11 oct. 2009] gros titre en première page : «Un atelier de DVD pirates à l'Élysée» et article détaillé intitulé «l'Élysée en flagrant délit de piratage»,p. 4).
Sur l'affichette du concert de Joan Baez produite par Direction de la Communication de la Ville de Montpellier, je ne vois aucune mention de copyright ou de permission, mis à part la direction elle-même. Ce n'est pas correct même si tout a été fait légalement.
Voici la couverture du CD, trouvée sur Wikipédia. Cette image n'est pas du tout libre mais elle peut être mise en ligne dans une résolution basse, pour des raisons d'informations, de comparaison.
Quand je vois les deux photos du Midi-Libre en ligne, je trouve que les miennes sont à peine pires, vu la distance d'où elles ont été prises et sans pied. J'essaierai de les améliorer un jour, avec GIMP.
Le blog Plurielle présente une vidéo qui est presque potable et il en existe d'autres sur YouTube. Peut-être d'ailleurs une vidéo était plus facile à faire qu'une photo nette… et je n'y ai même pas pensé. C'était vraiment difficile de réussir une photo avec un appareil ordinaire, sans pied et sans place réservée.
Allez voir la page dédiée aux vidéos de Joan Baez à travers les années sur YouTube ou sur un autre site de vidéo. C'est fantastique de retrouver son vibrato de soprano si particulier et sa tessiture impressionnante, pas loin de Mahalia Jackson et de Lakshmi Shankar. C'est cela qui est maintenant perdu en Live.
Et vous ne savez pas comment télécharger ces vidéos ? Une ou deux extensions pour Firefox fait le travail pour vous. Je vais faire un petit article. Mais attention, ces vidéos sont sûrement bourrées de copyright, alors gardez-les pour vous ou contentez-vous de les mettre sur votre site avec un lien direct. Là, vous devriez être tranquilles.
Les vidéos du concert arrivent peu à peu sur les sites de vidéo, c'est chic. Certaines sont de bonne qualité.
Même si la voix de Joan Baez n'a plus le timbre si original de sa jeunesse, il n'empêche que nous avons beaucoup aimé «Farewell Angelina» et «Suzanne», en particulier. Quant à moi, à part son album de chants de Noël très variés qui a enchanté mon enfance, je ne connaissais vraiment pas bien Joan Baez.
Elle a chanté bien d'autres chansons mais nous ne nous souvenons pas de tout. Un concert en plein air ne permet pas autant d'attention qu'un concert en salle mais nous n'aurions pas vu la lune.
Détails de l'accueil de Joan Baez par les organisateurs de Montpellier, selon le Midi-Libre :
(…) pour loges, trois cabanes d'ouvrier, tout juste aménagées... Celle réservée à Joan Baez n'avait même pas de lavabo. Quant à ses toilettes, elles n'étaient pas raccordées. Et pour cacher l'espace à la vue du quidam : un simple rideau de cannisses à travers lequel tout le monde pouvait évidement surveiller les allers et venues des fameux hôtes.
(…) Mais la « cerise sur le gâteau c'était le repas : une salade jetée dans un bac en plastique et posée par terre », décrit la représentante de la production (…) — source :Midi-Libre, «20 000 fanas mais de petits couacs en coulisse», 26 oct. 2009, lu le 26 oct. 2009
J'en conclus que ceux qui ont quitté le jardin du Peyrou sans autographe, ni photos rapprochées, sont des nuls, comme miloune et moi, ou des gens discrets, selon le point de vue.
Je n'ai trouvé que deux sites, à part celui du Midi-Libre, qui parle de cette soirée.
Le site Haut courant fait un article élogieux mais donne comme dernier album de Joan Baez, Gone from Danger, qui date de 1977, selon Wikipédia et Amazon.
L'auteur du blog Plurielle, écrit :
(…) cette messagère de la paix a transporté le public qui s'était déplacé massivement.
Et plus loin :
Quand à la diva, elle nous a fait traverser quelques décennies avec un bonheur infini.
Vivent les transports en commun !
Rigolade à part, ce billet de Plurielle nous apporte une vidéo partielle du concert et une photo amusante d'une foule compacte de bonshommes de neige pour figurer le public du Peyrou ce soir-là (qui est l'auteur de la photo ?).
—sources : Wikipédia (version anglophone, version francophone) ; site de Joan Baez ; Midi-Libre en ligne ; Haut courant (masterjournalisme.com) ; Blog Plurielle (lien intorchable, désolée) ; YouTube, page de vidéo sur Joan Baez. Je n'aime pas du tout YouTube et analogues avec leurs vidéos pas libres et toutes en Flash et j'irai fouiner sur Blib.tv pour voir si quelqu'un a eu l'idée du libre et du format OGG.
Et si ! Charles Douglas nous offre sur Blip.tv sa vidéo de la fin d'un concert de Joan Baez, le 17 août 2009 (Humboldt State University, Arcata, California) sous licence libre Creative Commons BY-NC-ND. Thank you, Charles http://blip.tv/file/2677802. C'est en Flash mais ça peut se convertir.
—Et pour finir, un documentaire en anglais de presque 1h30 que vous pouvez voir jusqu'au 10 décembre 2009 sur American Masters : Joan Baez: How Sweet the Sound. J'ai trouvé ce documentaire grâce à un extrait placé sur Blip.tv par American Masters.
Commentaires
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13 novembre 2010 - 4:31pm
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Donna Donna
Bravo pour votre site sur lequel je me suis documenté pour reprendre la chanson Donna Donna. Vous indiquez que Joan Baez a préféré reprendre la traduction de Kevess et Schwartz plutôt que celle de Segunda, je l'a comprends. Dans la seconde, la liberté apparaît comme un don (on né veau ou hirondelle)alors que dans l'autre elle se conquiert ( le veau peut devenir hirondelle). On comprends aussi pourquoi toutes les dictatures l'ont interdite.