Mozilla, GNU/Linux, le Libre (et les femmes ?)
Le concert relaté dans le billet Joan Baez au Peyrou s'est ouvert avec «Swing Low Sweet Chariot» dont j'ai déjà parlé mais qui mérite un billet complémentaire.
Dans un article intitulé «The story behind... "Swing Low Sweet Chariot" and how it became a rugby anthem», le site everyhit.com nous explique comment ce célèbre «Negro Spiritual» est devenu l'hymne des joueurs de rugby anglais. Chanté par Joan Baez, c'est pour le moins surprenant.
La chanson se situe avant et pendant la Guerre de Sécession et fait référence au chemin de fer souterrain («Underground Railroad») qui n'était ni un chemin de fer ni souterrain mais un réseau clandestin de personnes opposées à l'esclavage (souvent des Quakers) et qui aidaient les esclaves des États esclavagistes du Sud à s'enfuir. Le mot «Chariot» pouvait désigner un chariot (comme ceux des Westerns), des wagons ou des bateaux qui leur permettaient de s'évader. Ainsi, le Chariot en est venu à signifier, de manière clandestine, l'évasion et la liberté.
Il faut aller voir du côté de l'abbaye de Douai, à Woolhampton, Comté de Berkshire, en Angleterre qui fut d'abord fondée en France au XVIè siècle en raison des persécutions anti-catholiques de la Reine Élisabeth I. L'abbaye de Douai a été transférée en Angleterre en 1903, en raison des lois anti-cléricales françaises. Ironie de l'histoire.
Ce seraient des lycéens de l'école catholique de Douai (Angleterre) qui auraient lancé la mode «Sweet Chariot» en 1988, lors du match opposant l'Angleterre à l'Irlande à Twickenham.
Voici ce que dit le Guardian :
As Oti ran in his final try, a group from the Benedictine school Douai began singing the 150-year-old hymn (…)
Oti était un joueur noir qui faisait ses débuts. En 1988, l'hymne n'avait pas 150 ans mais plutôt 120 ans. Enfin, voilà l'histoire mais on se demande si cet hymne était chanté par les Bénédictins ou comment les lycéens le connaissaient.
Je ne comprends pas bien comment un chant d'esclave libéré en Amérique a pu être connu de garçons fréquentant une école anglaise catholique. Les Bénédictins chantent plutôt des chants grégoriens, au mieux, et, au pire, des chants religieux des années 1970.
S'il s'agissait d'une école anglicane, chanter «Swing Low Sweet Chariot» lors de l'Evensong serait de l'ordre du possible (office religieux du soir).
Ou alors, la religion n'a rien à voir dans cette histoire et «Swing Low Sweet Chariot» était peut-être au top 50 en Angleterre à la fin des années 1980 ou faisait partie de la culture ambiante.
Ce n'est pas Wikipédia qui nous aidera à comprendre mieux car l'article anglophone ne fait que reprendre des articles du web qui ne donnent aucune source. Là, je pense qu'un livre sérieux sur le rugby serait utile. Le web a ses limites.
«Swing Low Sweet Chariot» fait référence au prophète Élie qui, selon la Bible (livres des Rois), fut emporté au ciel par un chariot de feu. Ce qui rappelle le titre d'un film qui n'avait pas de rapport avec le rugby mais avec la course à pied, Chariots of fire, (1981), qui date d'avant le fameux match et qui, en fait, est une référence à un poème de William Blake datant du début du XIXè siècle et devenu l'hymne intitulé «Jerusalem». Le poème de Blake fait référence au livre de l'Apocalypse qui à son tour fait sûrement référence au chariot d'Élie qui a été interprété dans un sens eschatologique (eschatologie = discours sur la fin des temps).
Et William Blake ? Célèbre poète anglais, comme on dit.
Chorus:
Swing low, sweet chariot
Coming for to carry me home
Swing low, sweet chariot
Coming for to carry me homeI looked over Jordan and what did I see
Coming for to carry me home
A band of angels coming after me
Coming for to carry me home(chorus)
Sometimes I'm up and sometimes I'm down
Coming for to carry me home
But still my soul feels heavenly bound
Coming for to carry me home(chorus)
The brightest day that I can say
Coming for to carry me home
When Jesus washed my sins away,
Coming for to carry me home.(chorus)
If I get there before you do
Coming for to carry me home
I'll cut a hole and pull you through
Coming for to carry me home(chorus)
If you get there before I do
Coming for to carry me home
Tell all my friends I'm coming too
Coming for to carry me home(chorus)
Quoiqu'il en soit, une soirée avec Joan Baez nous fait parcourir le monde.
Il reste encore ceci : de l'évasion des esclaves à l'exécution d'un prisonnier, quel est le lien?
Au moins, c'est plus clair que l'histoire du rugby — il suffit de relire le texte.
Élie a été emporté au ciel et donc il a disparu et n'est plus de ce monde. Le chant parle des anges, d'âme tendue vers le ciel «(my soul feels heavenly bound»), de purification («When Jesus washed my sins away») et on a l'impression que le narrateur s'apprête pour son dernier voyage.
Ce texte peut chanter l'espoir de la liberté ou l'attente d'une mort qui peut être, dans le contexte de l'esclavage, la seule libération de cette vallée de larmes.
—source : «The story behind ..."Swing Low Sweet Chariot" and how it became a rugby anthem», http://www.everyhit.com/stories/swing_low_sweet_chariot.html, page lue le 27 oct. 2009
The Guardian «Blood, mud and aftershave», 5 Fév. 2006, lu le 25 oct. 2009, http://www.guardian.co.uk/sport/2006/feb/05/rugbyunion.features
Derniers commentaires