Mozilla, GNU/Linux, le Libre (et les femmes ?)
Il fallait un billet pour les Fées qui ont fui en poussant des cris d'orfraie le lieu dit Présence des fées et cerneau de noix.
Voici donc un extrait de la préface que Lewis Carroll a écrite pour Sylvie and Bruno Concluded (2e volume). Voici le texte en anglais, traduit plus bas :
It may interest some of my Readers to know the theory on which this story is constructed. It is an attempt to show what might possibly happen, supposing that Fairies really existed; and that they were sometimes visible to us, and we to them; and that they were sometimes able to assume human form: and supposing, also, that human beings might sometimes become conscious of what goes on in the Fairyworld by actual transference of their immaterial essence, such as we meet with in 'Esoteric Buddhism.'
I have supposed a Human being to be capable of various psychical states, with varying degrees of
consciousness, as follows:
- (a) the ordinary state, with no consciousness of the presence of Fairies;
- (b) the 'eerie' state, in which, while conscious of actual surroundings, he is also conscious of the presence of Fairies;
- (c) a form of trance, in which, while unconscious of actual surroundings, and apparently asleep, he (i.e. his immaterial essence) migrates to other scenes, in the actual world, or in Fairyland, and is conscious of the presence of Fairies.
C. L. Dodgson (pseudo Lewis Carroll), Sylvie and Bruno Concluded, Preface, E-book, Internet Archive, London, Macmillan, 1893, p. 13 - Bibliothèque de l'Université de Californie (beurk, la numérisation a été faite avec l'aide financière de l'ignoble M$ qui laisse ainsi sa grasse signature sur chaque page…).
Voici une traduction que j'ai modifiée un peu :
Il peut être intéressant pour quelques-uns de mes lecteurs de connaître la théorie sur laquelle est fondée mon histoire. J'ai tenté de montrer ce qui pourrait, peut-être, se passer en partant de la supposition que les Fées existent réellement ; et qu'elles nous sont parfois visibles et réciproquement ; et qu'elles sont parfois capables de prendre forme humaine : en supposant, en plus, que les êtres humains pourraient parfois devenir conscients de ce qui se passe dans le monde des Fées par la migration réelle de leur essence immatérielle, comme on le voit dans le «Bouddhisme ésotérique».
J'ai fait l'hypothèse qu'un être humain est capable de vivre différents états psychiques, dans les degrés divers de conscience que voici :
- (a) l'état ordinaire, sans aucune conscience de la présence des Fées ;
- (b) l'état «enchanté», dans lequel tout en étant conscient du monde réel alentour, il est également conscient de la présence des fées ;
- (c) une forme de transe, dans laquelle, bien qu'il n'ait pas du tout conscience du monde alentour et qu'il soit en apparence endormi, il (c'est-à-dire son essence immatérielle) migre vers d'autres lieux, dans le monde réel ou au Pays des Fées, et il est conscient de la présence des Fées.
(Traduction d'origine : DCD, 56 ; pour le livre et son auteur voir Présence des fées et cerneau de noix).
Voici une citation trouvée dans l'ouvrage de Betty Edwards, DCD 15 (pour le livre et son auteur, voir Présence des fées et cerneau de noix) :
Vider son esprit de toute pensée et combler le vide d'une âme plus grande que soi permet à l'esprit de pénétrer dans un royaume inaccessible aux démarches conventionnelles de la raison. — Edward Hill, The Language of Drawing, Englewood Cliffs (New Jersey), Prentice Hall, 1966.
Dans son essai, Politics and the English Language (La politique et la langue anglaise, 1946), George Orwell s'attaque au non-sens véhiculé par les expressions toutes faites, copiées à l'infini, stéréotypées, qui forment le fond de la langue de la politique (discours, pamphlets). Il explique en conclusion la raison profonde de ce vide de sens :
Political language—and with variations this is true of all political parties, from Conservatives to Anarchists—is designed to make lies sound truthful and murder respectable, and to give an appearance of solidity to pure wind.
Voici ma traduction :
La langue de la politique (et avec des variantes, ceci est vrai de tous les partis politiques, des Conservateurs aux Anarchistes) est conçue pour faire prendre les mensonges pour la vérité et le meurtre pour un acte respectable, et pour donner une apparence de consistance à ce qui n'est que du vent.
Après avoir cité des exemples de prose infâme à ses yeux, que vous retrouverez dans vos journaux et à la télé, Orwell dresse une liste de cinq règles visant à rendre le fond d'une pensée, directement, sans artifice. Ces recommandations sont bien austères, plus que celles de Gertrude Stein à Hemingway. Elles ont hérissé des lecteurs. «Comment peut-on encore écrire en suivant des règles aussi strictes ?», se sont plaints ceux-ci. Peut-être ces règles permettraient-elles d'assécher le flux intarissable de discours et d'ouvrages ineptes ?
Orwell a écrit un autre essai, antérieurement, peut-être en 1940, New Words, dans lequel il montre que son objet n'est pas tant une prose sans artifice et sans les mensonges des hommes politiques mais le souci de «rendre la pensée visible» (le mot «souci» dérive de «se soucier de quelque chose», rien à voir avec le mot «problème»). Comment faire en sorte que les mots expriment réellement ma pensée, individuelle, originale, de sorte que je puisse la transmettre dans sa vérité aux autres (mes lecteurs, mes interlocuteurs) ? Les mots sont communs à nous tous qui partageons une même langue mais ils n'ont pas nécessairement le même sens pour tout le monde. Quand nous parlons avec des expressions stéréotypées, par exemple, nous ne transmettons pas notre pensée mais un bruissement de sons qui a perdu tout sens précis. En fait, nous abolissons l'originalité de notre pensée, nous nous soumettons au sens commun, à l'acception commune, à ce que la société attend de nous, nous devenons un automate avec l'avantage d'être parfaitement intégrés à la société. Bref, nous renonçons à notre liberté et à la féerie de nos pensées.
Le billet Intégristes, Ayatollahs du Libre essaie de montrer combien le sens de mot stéréotypés est flou et fluctuant mais aussi révélateur et qu'il est nécessaire de s'affranchir de ces mots tout faits.
Voici maintenant la citation, extraite de Politics and the English Language, où l'on voit que les mots sont un obstacle pour la pensée et que l'écrivain doit lui aussi passer par le mode-D, seul apte à rendre la pensée :
In prose, the worst thing one can do with words is to surrender to them. When you think of a concrete object, you think wordlessly, and then, if you want to describe the thing you have been visualizing you probably hunt about till you find the exact words that seem to fit. When you think of something abstract you are more inclined to use words from the start, and unless you make a conscious effort to prevent it, the existing dialect will come rushing in and do the job for you, at the expense of blurring or even changing your meaning. Probably it is better to put off using words as long as possible and get one's meaning as clear as one can through pictures or sensations.
Voici une traduction que j'ai modifiée (DCD, 42 ; pour le livre et son auteur voir Présence des fées et cerneau de noix) :
En prose, la pire des choses que l'on puisse faire avec les mots est de se soumettre à eux. Quand vous pensez à un objet concret, vous pensez sans passer par les mots et, si, par la suite, vous voulez décrire la chose que vous avez visualisée, il vous faut probablement chercher longtemps pour trouver les mots exacts qui semblent convenir. Quand vous pensez à quelque chose d'abstrait, vous êtes plus enclin à utiliser des mots dès le départ et, à moins que vous vous efforciez consciemment pour empêcher cela, vos tours de langage s'imposeront et rempliront la tâche à votre place, et, en contre-partie, brouilleront ou même changeront votre intention (ce que vous voulez dire). Il est sans doute préférable de se passer des mots aussi longtemps que possible et de préciser votre conception aussi clairement que vous le pouvez par des images ou des sensations.
Elles sont dans les images et les sensations, dans la pensée visualisée (George Orwell), elles apparaissent dans le mode-D de perception qu'Orwell lui-même, journaliste, écrivain réaliste mais voyant, a recherché. Le Pays des Fées de Lewis Carroll est dans la féerie du mode-D (art, illumination, méditation) où vogue paisiblement la Liberté.
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