Mozilla, GNU/Linux, le Libre (et les femmes ?)
Hergé a su si bien dessiner un monde vivant, celui de Tintin et de Moulinsart. Il a su raconter des histoires que le lecteur suit agréablement, avec des dessins évocateurs et des mots parfois très fantaisistes. Et même un jour, il a transporté son héros au pays des Fées.
Tintin n'est pas, de prime abord, un personnage qui vit dans l'imaginaire. Néanmoins, il y a deux Tintin, celui qui est le plus souvent dans l'hémisphère gauche, et celui de Tintin au Tibet, qui est au pays des Fées, dans l'hémisphère droit. Pour montrer la différence entre ces deux cerneaux de Tintin, il est intéressant de passer du Temple du Soleil à Tintin au Tibet. Pour les hémisphères et les cerneaux, voyez Présence des Fées et cerneau de noix.
Dans le Temple du Soleil, c'est un bout de journal qui dénoue l'action. Dans Tintin au Tibet, un bout de journal lance l'action. Cependant, la différence principale se trouve dans le traitement par Tintin de l'information trouvée dans le bout de journal.
Ce qui paraît être, dans Le Temple du Soleil, une invocation magique, surnaturelle n'est en fait que le résultat d'un raisonnement logique de Tintin, à partir du bout de journal annonçant un phénomène naturel, une éclipse de soleil. Au moment même où ses compagnons pensent qu'il est devenu fou (on pourrait dire, «passé chez les Fées»), Tintin est à plein régime dans le mode-G. Pour le mode-G et le mode-D, voyez Présence des Fées et cerneau de noix.
Au contraire, le bout de journal dans Tintin au Tibet provoque l'irruption du mode-D par le rêve de Tintin. Tandis que le Capitaine Haddock, penché sur le jeu d'échec, est en plein mode-G, anticipant les coups suivants, l'un après l'autre, calculant, fomentant l'échec et mat, Tintin s'endort, rêve et crie dans son rêve «Tchang !». Le visage et surtout les mains de Tintin tiré de son cauchemar, montre qu'il est ailleurs, dans sa vision, tandis que le Capitaine Haddock s'indigne de ce qu'il prend pour un éternuement. Voici le strip en question, tiré de l'album en espéranto — voyez Apprendre l'esperanto sur GNU/Linux :
[Hergé, Tinĵcio en Tibeto, trad. Lille-Villeneuve-Esperanto, Éd. Casterman, 2006, planche 3, strip 1, cases 1-3). Le code de la propriété intellectuelle permet les citations sous certaines conditions ; voyez Droit de citation (Wikipédia). D'ailleurs, l'image ci-dessus est d'une qualité qui ne permet pas la contrefaçon.]
Tintin garde avec lui, avec obstination, sa vision éphémère. Elle est un mode de connaissance, de certitude même. La planche 5, en particulier, est ainsi remplie d'affirmations catégoriques. «Tchang n'est pas mort», affirme-t-il contre les faits relatés par le journal (Strip 2, cases 2-3) ; «Mais ce que je sais, c'est que Tchang est vivant». Le Capitaine représente la raison et la logique et montre bien que Tintin est dans un autre monde : «Mais c'est un rêve que vous avez fait. Ce n'est pas la réalité» (strip 2, case 3).
Cette vision lance l'action. «Il est vivant, vous dis-je ! Je boucle ma valise et je pars pour le Népal.» (Tintin, strip 3, case 2). La réponse du mode-G est un duo qui se fait écho. «C'est de la folie», s'exclame le Capitaine, «C'est ça, allez cuver votre vin», dit Tournesol (qui est pourtant d'habitude dans un autre monde) (Strip 3, case 3).
À travers son rêve, comme Alice à travers le miroir, Tintin est devenu un voyant que sa vision transporte au pays des montagnes inaccessibles où une très imposante Fée nourricière est penchée sur le berceau de Tchang. (L'analogie avec un conte de fées célèbre est appropriée car la survie de Tchang est dessinée et racontée comme une quasi-renaissance.)
Récit du sauvetage de Tchang, Tintin au Tibet est une quête spirituelle qui passe par l'ascension des montagnes enneigées et la descente chez les moines bouddhistes. Récit d'une élévation spirituelle (ascension, dans les hauteurs, mais aussi lévitation, dans la vallée). C'est aussi l'écho des rêves obstinés d'Hergé à l'époque, assailli par son «démon de la pureté».
Il y a cent-mille choses dans un album de Tintin, c'est un enchantement ! La comparaison entre Le Temple du Soleil et Tintin au Tibet est opportune car malgré la distance géographique entre les deux histoires, la première comprend quelques pages dans les montagnes et même dans les hauteurs enneigées.
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