Google Art Project: confiscation du domaine public

Avec le Google Art Project, vous pouvez vous promener dans de grands musées et admirer les œuvres avec zoom et résolution fantastique (enfin pas toujours). C'est si beau que ça ?

Confiscation et verrouillage du domaine public

Dans le concert uniforme de louanges, il y a heureusement une voix discordante, celle d'Adrienne Alix, présidente de Wikimedia France, qui s'exprime sur son blog, à titre personnel. Elle souligne que les œuvres sont visibles en format Flash (beurk) et dans un cadre fermé. Vous regardez mais vous ne pouvez pas réutiliser ces images dont les originaux sont pour la plupart du domaine public. Le partage de ces images est très limité : Facebook, Twitter, Google Buzz et par mail. Bref, tout du beurk sauf le mail (enfin pas sous Hotmail ni sous GMail). Comme c'est restreint !

Ces restrictions s'accompagnent du pire qui est la confiscation et la réappropriation sous Copyright des œuvres numérisés par Google.

Google Art Project vous empêche de télécharger ces images qui sont pourtant des images d'œuvres appartenant au domaine public, donc à nous tous.

Voici donc un extrait du billet d'Adrienne Alix :

Les wikimédiens passent énormément de temps à prendre de belles photographies de ces œuvres pour les mettre librement à disposition sur Wikimedia Commons et permettre à tous de les réutiliser. Il est souvent difficile de faire admettre aux musées qu’il est bon de permettre cette très large diffusion de la culture. Les choses changent peu à peu, le dialogue s’engage ces derniers temps, et c’est une très bonne chose. Nos points d’achoppement avec les musées tiennent souvent à la crainte de «mauvaise utilisation» des œuvres, le domaine public leur fait peur parce qu’ils perdent totalement le contrôle sur ces œuvres (notamment la réutilisation commerciale). Ils discutent cependant avec nous parce qu’ils ont conscience qu’il est impensable aujourd’hui de ne pas diffuser ses œuvres sur internet, et Wikipédia est tout de même une voie royale de diffusion, par le trafic énorme drainé dans le monde entier (…).

Quelle est ma crainte ? Que ces musées qui commencent timidement à ouvrir leurs portes et se lancent avec nous en faisant confiance, en prenant le pari de la diffusion libre de contenus dans le domaine public, se replient sur une solution verrouillée comme celle proposée par Google Art Project, où l’internaute ne peut absolument pas réutiliser les œuvres ainsi montrées. On visite, on ne touche pas. On ne s’approprie pas. On est spectateur, et c’est tout. Je crains que par envie de contrôle de l’utilisation des reproductions d’œuvres conservées dans les musées, la notion de domaine public recule.

(…) [Avec le Google Art Project], j’ai même une furieuse impression de me retrouver dans un CD-ROM d’il y a 10 ans (…).

Ah, bien vu de comparer Google Art Project au «CD-ROM d’il y a 10 ans».

Libération du domaine public

C'est quand même incroyable que l'on doive libérer des œuvres appartenant au domaine public. Défendre tout le temps, sur tous les fronts, la liberté…

Un type patient et déterminé, Dcoetzee, a entrepris de libérer les œuvres du domaine public confisquées par le Google Art Project. Il a fait un programme qui zoome et reconstitue chaque zone. Il a mis ces tableaux sur Wikimedia Commons. Vous trouverez le lien dans Vers la culture libre.

Parfois les fichiers sont très lourds car la résolution est très grande et donc les images sont de haute qualité. Ne comptez pas ouvrir les plus lourdes directement dans votre navigateur mais vous pouvez les télécharger. Enfin, vous voilà libres de les admirer sur votre ordinateur, hors connexion, de les republier sur le web, de les modifier, de les diffuser comme bon vous semble Smile

J'ai choisi le tableau de Courbet intitulée «La vague», pour fêter la libération des œuvres conservées dans les musées :

Courbet - La vague


Sources :