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Je recopie dans mon Petit Livre Vert, pour qu'il soit bien conservé, Aujourd’hui, le Prophète est aussi « Charlie », un excellent article écrit par Soufiane Zitouni, professeur de philosophie au lycée Averroès (lycée privée musulman) à Lille, et publié sur Libération en ligne, le 15/01/2015.
[Mise à jour, 06/02/2015, Soufiane Zitouni a quitté son lycée : Pourquoi j’ai démissionné du lycée Averroès]
Voici une tradition prophétique islamique (hadith) que j’aime raconter à mes élèves de terminale : un jour, un compagnon du prophète Mohamed surprend celui-ci en train de pleurer, et lui demande la raison de ces larmes qui lui fendent le cœur. Le Prophète lui répond alors entre deux sanglots : « J’ai vu que dans le futur j’allais devoir témoigner contre ma propre communauté. » Et je pose ensuite cette question à mes élèves : « Ce futur sur lequel pleurait le Prophète de l’islam, n’est-ce pas notre propre époque ? »
Je veux témoigner dans Libération (journal pour lequel j’ai travaillé dans les années 80 à Lyon au côté de Philippe Lançon que je salue affectueusement et auquel je souhaite un prompt rétablissement), de mon vécu propre des événements tragiques de ces derniers jours, en tant que citoyen français d’abord, et de culture musulmane ensuite. Oui, c’est bel et bien en tant que citoyen français qu’il me faut réagir aujourd’hui, et non pas en tant que membre d’une communauté religieuse (nécessairement hétérogène d’ailleurs, donc imaginaire, irréelle…), d’un mouvement politique, d’un courant d’idée, etc.
J’ai raconté ce hadith mardi à une classe de terminale dans laquelle les élèves sont majoritairement musulmans, et où il y a des filles voilées et d’autres non voilées. Je leur ai raconté cette histoire en ayant à l’esprit la une du Charlie Hebdo, renaissant de ses cendres, révélée par les médias la veille de sa sortie, mais aussi un dessin de Cabu tellement juste et si peu compris par beaucoup de musulmans, malheureusement, montrant un prophète de l’islam en colère s’exclamant : « C’est dur d’être aimé par des cons ! » J’atteste ici en tant que citoyen français de culture musulmane de l’authenticité de ce hadith relayé par Cabu, paix à son âme ! Et je brandis en même temps une pancarte avec écrit dessus en lettres capitales : « Humour ! »
Depuis quelque temps, et surtout depuis ces horribles meurtres d’innocents commis par des fous furieux criant « Allah est le plus grand ! » ou « Le prophète Mohamed a été vengé ! », je me demande si beaucoup de musulmans n’ont pas un énorme problème avec l’humour. Et j’ai repensé à un livre du psychanalyste François Roustang, qui m’avait beaucoup intéressé lors de sa sortie, intitulé Comment faire rire un paranoïaque ? François Roustang y explique que nous avons tous en nous un paranoïaque qui a besoin d’ennemis identifiés pour se rassurer quant à son identité propre, parce que ses ennemis lui servent de « limites » ou de « bornes » (qu’il n’a pas pu se constituer lui-même) lui permettant imaginairement de ne pas se diluer en un chaos angoissant. Et François Roustang ajoute que ce paranoïaque en nous, manque cruellement d’humour. Parce que ne plus prendre au sérieux sa propre paranoïa, ses « ennemis certains », ce serait renoncer à son identité imaginaire aussi consistante qu’un ectoplasme. Pourtant, commencer à rire de sa propre folie est le début de la guérison nous révèle aussi Roustang dans son très bon livre tragiquement d’actualité.
Pourquoi tant de musulmans manquent aussi cruellement d’humour, de recul, de sérénité dès que l’on touche à un tabou, un dogme, un interdit auquel ils sont jalousement attachés ? Prenons l’exemple de l’interdiction de la représentation du Prophète. Un sacré tabou au sein de l’islam ! Mais un tabou indéboulonnable vraiment ? J’ai été très proche un temps d’une confrérie soufie, la Tariqa Alawiya, dont le guide spirituel vivant en France est le cheikh Khaled Bentounès. En 2009, à l’occasion du centenaire de cette confrérie, le cheikh Bentounès a édité un bel album, d’une grande richesse iconographique, dans lequel il a osé publier des miniatures persanes représentant le prophète Mohamed, en considérant sereinement que ces représentations faisaient partie du patrimoine de l’islam, et qu’il n’y avait pas toujours eu, dans l’histoire de cette religion, un consensus des savants musulmans quant à l’interdiction de ce type de représentation. Comme il fallait s’y attendre, une polémique violente a immédiatement éclaté dans la presse algérienne, provoquée par deux institutions islamiques de poids, le Haut Conseil islamique et l’Association des oulémas, celle-là même qui combattit avec acharnement les confréries soufies du temps de la colonisation française en les accusant de superstitions non conformes à la charia et d’accointances coupables avec l’envahisseur. Ces mêmes institutions islamiques ont aussi accusé le cheikh Bentounès d’avoir associé dans son album commémoratif le sceau de l’émir Abdelkader à l’étoile de David, symbole du sionisme selon eux, alors qu’il ne faisait que reprendre le symbolisme profond et commun à l’islam et au judaïsme du sceau de Salomon. Mais l’ignorance de ces prétendus « savants » de l’islam (ouléma veut dire « savant » en arabe) nous aura permis au moins de découvrir avec enchantement dans la même presse algérienne, et cela grâce à la pugnacité du cheikh Bentounès, que nombre d’édifices musulmans en Algérie recèlent dans leur architecture ou leur mobilier ce « symbole du sionisme ».
Est-ce à dire, alors, que la connaissance serait sœur de l’humour ? À cette question, je réponds sans hésitation, oui ! Ils sont risibles ces pseudo-savants de l’islam qui connaissent si mal leur religion et son patrimoine universel ! Mais ils sont risibles tant qu’ils ne passent pas au stade de la kalachnikov ou de l’attentat dit « kamikaze » pour répondre à ceux qu’ils perçoivent comme des ennemis de l’islam. Rappelons-nous que le prophète Mohamed lui-même disait que « l’encre du savant est plus précieuse que le sang du martyr ».
Alors oui, ce prophète caricaturé, insulté, moqué, mais surtout ignoré, est aussi Charlie aujourd’hui, n’en déplaise à un grand nombre de musulmans qui trouveront peut-être ce propos déplacé ou naïf, voire insultant, surtout de la part de quelqu’un qui se réclame comme eux de la culture islamique. Oui, j’ose le dire, comme le très beau dessin de Luz le suggère avec tendresse et intelligence : le prophète de l’islam, Mohamed, pleure avec nous toutes les victimes innocentes de la barbarie et de l’ignorance, et demande à Allah le pardon pour les nombreuses brebis égarées se réclamant de sa religion alors qu’elles n’ont toujours pas compris l’essentiel de son message.
Aujourd’hui, le Prophète est aussi «Charlie» par Soufiane Zitouni, Professeur de philosophie au lycée Averroès à Lille, Libération en ligne, vu le 15/01/2014.
Commentaires
meziane
15 février 2015 - 8:20pm
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Réponse à Mr Zitouni
Bonjour Mr Zitouni,
« Durant sa vie, le prophète Mohamed « QSSL » avertissait les musulmans de ne pas mentir sur lui, lorsqu’il disait que « Un mensonge à mon encontre n’est pas comme un mensonge à l’encontre de quelqu’un d’autre, celui qui ment sur moi volontairement, qu’il prépare sa place en enfer ». Rapporté par Mouslim et d’autres »
Si je me permets de vous écrire, ce n’est pas pour vous critiquer ou vous insulter mais bien pour vous éclairer de ton erreur, si ce n’est une faute, à l’instar de ton miroir, puisque le croyant est le miroir de de son frère.
Dans votre article paru au quotidien français « Libération » le 14 Janvier 2015, je constate que vous aviez pris une décision un peu dangereuse et que vous voyez légère, puisque vous aviez intitulé le titre «Aujourd’hui, le Prophète est aussi «Charlie», comme si le prophète était vivant aujourd’hui ou qu’il vous a donné l’autorité de parler à sa place.
Sachez Monsieur Zitouni, que dire que je suis Charlie, ne veut pas dire qu’on est avec la liberté d’expression seulement, mais aussi qu’on est pour le manquement de la dignité des autres et surtout des morts et des religions, qui ne peuvent se défendre devant la justice. Sachez aussi que le prophète Mohamed « QSSL » avait toujours accepté les insultes des autres et qu’il n’a jamais touché aucun de ceux qui le traitaient de fou ou de magicien et même ceux qui lui mettaient leurs détritus devant sa porte, car il était sur terre pour perpétuer les bonne valeurs et une de ses valeurs, était le pardon, puisque le jour où il avait conquis la ville de la Mecque, il avait ordonné de pardonner à tous ceux qui y vivait malgré qu’ils étaient ses ennemis féroces lors de sa migration à Médine.
Si l’Islam dans sa doctrine demande aux croyants de pardonner, il n’a jamais cautionné qu’un être humain puisse se moquer d’un autre être humain au nom de la liberté d’expression, comme il est préconisé dans le verset coranique suivant : « Ne vous dénigrez pas et ne vous lancez pas mutuellement des sobriquets (injurieux). » Sourate 49.
Voilà pourquoi le prophète Mohamed, ainsi que tous les musulmans, ne peuvent pas être Charlie à l’instar de la vision du journal « Charlie Hebdo », tout en étant pour la liberté d’expression, car être pour le dénigrement, c’est s’opposer à un verset coranique et toucher la dignité des autres, que même le Pape approuve lorsqu’il a souligné: « que la liberté de religion et la liberté d'expression étaient "toutes les deux des droits de l'Homme fondamentaux".
Avant de vous quitter, je voudrai soulever un autre point avec vous, celui du Hadith avec qui vous aviez commencé votre article et qui dit : « un jour, un compagnon du prophète Mohamed surprend celui-ci en train de pleurer, et lui demande la raison de ces larmes qui lui fendent le cœur. Le Prophète lui répond alors entre deux sanglots : «J’ai vu que dans le futur j’allais devoir témoigner contre ma propre communauté.»
Je pense que jusqu’à preuve du contraire, où vous fournissiez les sources de ton Hadith. Ce pseudo-Hadith du Prophète Mohamed « QSSL », restera erroné puisqu’il est contradictoire car si je me réfère à la doctrine de la religion musulmane, il n’est dit nulle part que le prophète Mohamed, sera un juge avec Dieu, le jour du jugement dernier, mais au contraire, il sera au côté d’Allah pour implorer le pardon aux croyants, donc si le prophète de l’Islam est venu avec son message pour pardonner sur terre et qu’aux cieux il sera une nouvelle fois pour cette fonction, comment peut-il devenir juge pour sa communauté du futur et lui qui disait : « La Religion a commencée étrangère, et redeviendra étrangère. Alors donnez la bonne annonce aux étrangers. Ceux qui remettent droit ce que les gens ont corrompu. ».
Sachez qu’on tant que philosophe, vous vous êtes un peu précipiter pour écrire votre article et le publier, sans penser aux conséquences, tout en oubliant que depuis sa naissance, la philosophie n’a connue de développement que quand les esprits libres qui plaçaient la recherche de la vérité avant les préjugés et les conformismes.
Cordialement.