Concours de caricatures en Iran

Le gouvernement iranien lance un concours de caricatures. Dans ce pays où la liberté d'expression n'existe pas vraiment, ce concours est une réplique grotesque aux représentations de Mahomet par Charlie Hebdo.

En 2006, un premier concours avait été organisé en réplique aux dessins de la revue danoise.

Si au moins ça pouvait être amusant

Ce pourrait être amusant si le thème du concours était le Pape ou la religion chrétienne. Des Iraniens pourraient alors s'inspirer de caricatures de Charlie Hebdo, et ça finirait en une collaboration fructeuse entre des dessinateurs de l'Orient et de l'Occident.

Faut pas rêver, même pour s'amuser. Le thème choisi par l'Iran est « la négation de la Shoah ». Comme si c'était l'équivalence avec les représentations de Mahomet.
Mais dans de nombreux pays musulmans, dès qu'on n'est pas content, c'est les Juifs qui sont les cibles.

Le négationisme est un thème qui est censé blesser des gens en Occident et en Israël, pas seulement des Juifs, et qui va contre la loi française (loi Gayssot) et contre la loi de nombreux pays occidentaux.
L'historien Pierre Vidal-Naquet, qui n'était pourtant pas favorable à la loi Gayssot, disait qu'on ne peut pas discuter avec les négationistes car c'est la haine des Juifs qui les anime et non la rigueur intellectuelle. Un négationiste comme Faurisson n'était même pas un historien mais un professeur de littérature française.

Représenter la Shoah

Il n'y a en revanche aucun tabou à représenter la Shoah.

L'Occident et Israël conservent des archives nazies ou des armées alliées, et même quelques rares photos prises par un Sonderkommando (les détenus juifs qui devaient vider les chambres à gaz et brûler les morts dans les fours crématoires).

Des prisonniers des camps nazis ont aussi dessiné la Shoah. Certains de ces dessins sont proches des caricatures, comme celui de Bedrich Fritta, artiste tchèque, qui s'était spécialisé dans la caricature politique:

Corbillard à Terezin, Bedrich Fritta

À Térézin, explique Benjamin Murmelstein dans son entretien avec Claude Lanzmann, les corbillards servaient à tout ; la nourriture comme les morts, les vivants comme les morts, y étaient transportés.
Ce dessin représente des vivants avec des têtes de mort. C'est donc une caricature de vivants. Térézin était un ghetto installé par les Nazis à des fins de propagande. Aux yeux du monde, il devait paraître comme un paradis pour les Juifs.

Ce dessin, qui caricature les vivants, dénonce le mensonge des Nazis. En réalité, les Juifs de Térézin agonisent ou sont destinés à être exterminés.

Un dessin caricatural peut être admirable et, même sur un sujet aussi épouvantable, la caricature n'est pas nécessairement une moquerie cruelle.

Mais il n'y a rien à attendre du concours iranien, qui sera censuré si nécessaire.


Le film de Claude Lanzmann Le Dernier des injustes, 2013, a comme sujet Benjamin Murmelstein, le seul survivant des « Conseils des Anciens », instaurés par les Nazis.
Le livre de Benjamin Murmelstein : Terezin, il ghetto modello di Eichmann, Bologne, Cappelli, 1961. Nouvelle édition, Milan 2013.