Mozilla, GNU/Linux, le Libre (et les femmes ?)
Framasoft a sorti un service en ligne, Framatroll, basé sur un dessin de Gee, le « Bingo du Troll ». Ce dessin et ce service affichent un tableau par lequel Gee veut nous montrer tous les types de discours qu’on peut définir comme Troll et qu’il faut éviter comme le troll.
J’en conclus trollement que tout est Troll et que la politesse sur le web ou l’internet (salons de discussion, par exemple, ou listes de diffusion) est aussi ennuyeuse et superficielle que dans des salons minaudiers.
Évidemment, un fascho qui cause fascho sur un forum de gauchistes est un Troll et réciproquement, un gauchiste qui cause à la Jaurès sur un forum de fascho, voire d’élu·e·s PS est un Troll pour ses interlocuteurs. (J’ai encore fait un troll, beurk).
« Troll » me paraît être aussi un euphémisme, dans certains cas. Au lieu de dire, « ce type raconte des trucs antisémites », on dit, « c’est un troll ». Il vaudrait mieux dire « antisémite » que « troll », ce serait plus clair (et plus courageux aussi, peut-être).
À l’époque où sévissait Windows 98, critiquer ce système propriétaire était du Troll. À présent, on peut décrire tranquillement les horreurs de Windows 10 sans attirer les Trolls.
Le type qui a fait un interminable commentaire à la suite d’un épisode de la BD Pepper&Carrot, sur un sujet apparent (la typographie française) pour introduire un tout autre sujet, était un troll de la pire espèce. Pas très subtil non plus.
De plus, ses remarques sur les espaces avant certains signes de ponctuation en français étaient non seulement interminables, pédantes et indigestes (pourtant c’est un sujet qui me plaît), mais totalement inappropriées à la BD. Voyez de modestes réflexions sur la ponctuation dans la BD.
En passant, bravo à David, l’auteur de Pepper&Carrot, pour sa manière très ferme, sans ambages mais sans trollerie, d’avoir envoyé ce troll se faire cuire un œuf (en enfer, de mon point de vue — ouh là, t’as vu le troll !?).
Tout est troll, subtilité ou gros sabots, intelligence ou bêtise, étalage de connaissances ou d’ignorance. Tout est troll dès lors que je ne suis pas d’accord avec toi ou avec eux, dès lors que tu ne cliques pas sur Like, que je ne m’esbaudis pas, que tu ne te répands pas en « waouh, c’est trop cool ». Tiens, tout ce paragraphe est un troll.
Et puis, Edward Snowden est un gros Troll selon le gouvernement américain, le troll qui remue de vilains remugles. Et Le Canard Enchaîné ? Voilà bien un vilain Troll permanent qui tient la plume, bien caché sous les plumes du volatile. Tous deux, Snowden et Le Canard, restent zen car l’un a divulgué les preuves et l’autre tient les siennes sous le coude.
Mais tout est Troll, et c’est pas drôle. Je peux dire que je ne suis pas d’accord, en tournant longuement chacun de mes mots dans mes doigts avant de les taper, mais je ne peux pas faire d’humour car c’est un troll. C’est vrai que les plaisanteries à la Trump, je ne trouve pas ça drôle du tout, c’est très troll au contraire. Vous voyez bien, tout est troll.
Ceci dit, je ne dirais pas que les plaisanteries que je trouve de mauvais goût sont du Troll, je les trouve hideuses, voilà tout.
Troll toujours … Je demande des informations supplémentaires, je pose des questions au lieu d’applaudir bien fort et personne ne répond. L’absence de réponse fait de ma question un troll (ignorer le troll, règle n°1). Mais je voudrais avoir une réponse, c’est du mépris tout de même qu’on ne réponde pas à mon commentaire que je trouve digne de discussion. Ce silence, c’est aussi un Troll. Le Troll est parfois un incompris, le pauvre … T’en fais, dans moins d’un an, ils verront que t’avais raison. Le Troll, ça va, ça vient, ça dépend de l’air du temps.
Je vous livre un Troll (tronqué car c’est un Troll monstrueux à énoncer en France) : « Le site de K. est nul et à fuir ». Une affirmation sans argument qui est une critique cinglante. C’est un Troll, d’autant plus que ça va à l’encontre des applaudissements hexagonaux.
Donc, si je dis « Le site de machin est génial », c’est bien aussi un troll car c’est une insulte à votre intelligence. Vous n’avez pas besoin que je vous dise que c’est génial pour en juger et vous n’avez pas besoin de mon avis lapidaire pour juger d’un site web.
Mais si le Troll résume bien le site en question (« Le site de K. est nul et à fuir »), c’est curieux que ce soit un troll. Expliquer par le menu, donner des exemples, c’est aussi faire insulte à votre intelligence. Un coup d’œil avisé sur le site vous suffirait.
En fait, le vrai Troll, ce serait de donner des détails pour justifier mon affirmation trollesque et lapidaire. Le Troll est moins gros contenu dans une seule phrase. Chaque argument ou chaque description serait un nouveau Troll. Ça ferait beaucoup de Trolls dans un paragraphe.
Tout est Troll, cela paraît être aussi se censurer constamment. Il est vrai que discuter sur un forum ou dans un salon, genre IRC ou XMPP, c’est partir d’un terrain d’entente minimale pour ne pas en arriver aux insultes qui sont un cul-de-sac. Là, on touche à la liberté d’expression, qui dépasse le cadre de ce billet.
Il est vrai que sur un forum ou dans un commentaire à la suite d’un billet de blog, ce n’est pas l’endroit pour traiter les autres de tarés et de crétins ou de faire de l’ironie qu’on trouve drôle soi-même mais qui est blessante pour autrui.
C’est comme si dans « la vraie vie » (Geekscottes), on passait son temps à insulter les gens dans la rue ou au supermarché ou à se moquer d’eux, parce qu’on les trouve ridicules, mal habillés et « trop moches, quoi ».
Mais le web n’est pas toujours la vraie vie et peut-être est-ce un espace particulier où, comme nous ne voyons pas les gens en chair et en os, comme nous en avons une connaissance très différente d’une rencontre dans un bar ou dans une réunion, ou dans un débat après la projection d’un film, la parole qui reste écrite, non prononcée réellement ou prononcée par un intermédiaire (synthèse vocale, par exemple), aurait peut-être un statut différent ? Du point de vue du scripteur, peut-être. Du point de vue du destinataire ou du lecteur, c’est autre chose, tout est troll. Des jeunes gens sur Facebook sont tout à fait dévastés par les injures et les menaces dont ils sont couverts (mais que font-ils dans cette galère ?)
Il reste que pour les uns comme pour les autres, la parole non articulée à un interlocuteur présent devant soi, cette parole qui reste donc à l’état d’écriture, demeure. Le web n’oublie rien.
En fait, tout est troll dans la mesure où le lecteur interprète une critique ironique comme une attaque contre sa personne ou une insulte faite à lui-même, alors que souvent les critiques s’attaquent à des arguments, des idées, des conceptions et peu importe les gens derrière eux. Mais le débat d’idées est souvent une remise en question de soi-même, un bouleversement de soi-même, de ses convictions irréfléchies, jamais très approfondies. C’est là que le troll blesse. C’est plus satisfaisant d’avoir raison et d’être encensé que d’avoir tort et de voir ses arguments retournés comme un gant et ridiculisés.
Troll sans fin = Infinite scroll = FB — vlà un bel exemple de Troll mais c’est amusant.
Bref, comme tout est Troll, gardons nos trolls pour nous-mêmes. Faites-vous votre site web et rédigez vos Trolls. C’est ce que je fais chez moi, sur Libre-Fan. Il arrivera peut-être que l’absence totale de lecteurs ou au contraire un commentaire bien lancé (Pan, un Troll !) vous fasse prendre conscience que vous n’écrivez que des trolls insipides pour vous rendre intéressants, et que vous barbez l’univers au lieu d’aider les gens et de vous rendre utiles.
Mais je défends tout de même le Troll, chez soi. Ça défoule, ça fait du bien, ça fait bien rire (soi-même) et vous n’obligez aucun internaute à lire vos Trolleries.
Tout est troll, Pepper, la sorcière en fleur, en a même trouvé un dans le potager : [en BD] Ép. 19 : « La Leçon de Pepper ».
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