Exclusivité : Le patron de Facebook se confie au magazine Mad Fig

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Le patron de Facebook s’est tout récemment abondamment confié dans un entretien donné en exclusivité au magazine Mad Fig, supplément hebdomadaire à un grand quotidien français.
L’attention de Libres-Ailé(e)s portée à la Journée internationale des Femmes nous ayant valu l’attention de la rédaction de Mad Fig, j’ai l’insigne honneur de pouvoir vous livrer la quasi intégralité de ce document fascinant qui nous plonge dans l’intimité la plus profonde de Facebook.

—Mad Fig  : Nos lectrices sont toutes sur Facebook, c’est le must de la jetset (nos lectrices sont cultivées et comprennent la plupart des mots anglais).

Elles vous sont aussi reconnaissantes d’avoir déroulé le tapis rouge dans Facebook pour notre cher président de la République (cher à notre cœur, nos lectrices ont bien compris). Elles font parties des 500 000 (50 000  ?) « groupies » de notre Président sur Facebook (Mad Fig est moderne, au risque même d’une légère vulgarité, nos lectrices seront indulgentes).

—FB  : Complètement ! Je profite de votre judicieuse remarque pour dire bien fort que cet ahuri de palmipède (« that sad rag », « torchon », « lamentable feuille de choux », tout le contraire du grand quotidien français lié à Mad Fig [NDR]) s’est déchaîné de façon stupide à mon endroit en déformant totalement mes propos. L’infect Canard prétend que j’ai dit que je n’avais pas déroulé le tapis rouge pour votre cher président de la République. Que les choses soient claires : j’ai bien déroulé le tapis rouge pour votre cher président de la République sur Facebook en lui offrant nos services sur un plateau. C’était la moindre des choses à faire pour un service comme le nôtre tout dirigé vers le service des autres.

Plus loin, le patron de Facebook se confie plus avant :

—Mad Fig : Sans rentrer dans les détails techniques, quel est le secret de votre succès ?

—FB : Votre magazine de mode féminine connaît bien les créateurs de mode qui sont des créateurs de beauté et de rêve. Nous aussi sommes des créateurs de désir : le désir de sortir de son sordide anonymat, de se faire voir, de se faire de la pub et de vendre sa quincaillerie avec notre service gratuit et ouvert aux puissants et même aux insignifiants. Tout le monde est sur Facebook, (enfin presque), ça montre donc que c’est un bien. C’est surtout notre bien, pour notre bien.

J’aime bien le jeu de mot des Français autour de notre nom « Facebook ». En Amérique, on se montre à visage découvert sur Facebook (« Face » = « visage » [NDR]); en France, on y montre ses f …s. (Mad Fig ne pratique pas la censure, veuillez excuser la crudité toute américaine de notre invité facétieux, jeu de mot, hihihi [NDR]).

Plus sérieusement, nous trompons les gens que nous transformons en pigeons avec leur consentement explicite ou implicite, inconscient ou conscient. Nos pigeons sont aussi bien vos lectrices aguichées que ces consciencieuses et modernes bibliothécaires qui ont la ferme conviction de se servir de Facebook de manière avertie pour aller vers des lecteurs qu’elles prétendent rencontrer là où ils sont. Évidemment, tout le monde est chez nous (presque), alors aller dans la rue pour porter des livres à des lecteurs potentiels, c’est complètement dépassé.

Nous trompons absolument tous ceux qui ouvrent un compte sur Facebook car nous avons fait en sorte que les cases à cocher ou à ne pas cocher soient un jeu interminable du chat et de la souris, dont aucun internaute ne sort gagnant.

C’est là notre force, comme ce fut celle de Microsoft qui est dépassé de nos jours, car c’est sur le web que tout va se jouer, pas dans votre PC. Si vous utilisez nos services, vous êtes piégés, vous êtes tout entiers à notre service. Vos données sont notre propriété, elles sont la source de nos gigantesques profits.

—Mad Fig : Je crois que nos lectrices et tous les Français dignes de ce nom ont soif d’enracinement et d’appartenance. Devenir la propriété de Facebook, c’est en somme le bonheur. En ces temps de crise, n’est-ce pas important ? D’ailleurs, nous, bonnes Françaises, comme tous les bons Français, n’avons rien à cacher. Nous portons notre vie privée sur notre visage, sans fard.

—FB : Très subtil, chère Madame …
Sur Facebook, ne vous voilez pas la face, on se livre toujours, de toutes façons. C’est notre farce (erreur de transcription [NDR]) force.

—Mad Fig : Avez-vous le sentiment d’avoir réussi pleinement ?

—FB : Nous y sommes presque. Dire que les opposants à ACTA ont organisé leur manifs sur Facebook, c’est une très belle victoire pour nous !

—Mad Fig : ACTA ?

—FB : ACTA, on adooore mais c’est un peu long à expliquer. Prenons un exemple plus connu de vos lectrices : le monde entier (ou presque) a cru que Facebook a créé le printemps arabe …

—Mad Fig : Là, je vous arrête tout de suite, cher ami. Facebook favorise-t-il les révolutions ? Nos lectrices sont très inquiètes à ce sujet. Plus jamais 1789 !

—FB : Si des internautes n’utilisent que Facebook pour s’exprimer dans une dictature, c’est que le régime empêche toute liberté de s’exprimer normalement, sur le bon vieux web, comme certains rétrogrades continuent de le faire encore dans nos démocraties.

Mais n’ayez aucune inquiétude, chère Madame, nous n’encourageons pas les révolutions, nous prenons simplement dans nos rêts tous les internautes de bonne volonté qui veulent s’exprimer. Nous sommes à fond pour la liberté d’expression car les gens qui se lâchent sur Facebook, c’est notre pâture, notre fourrage, notre blé …, enfin, vous voyez ce que je veux dire.

—Mad Fig : Nous voilà rassurées. Facebook n’a pas permis les révolutions arabes, c’est la faute des régimes qui n’ont pas été assez forts pour les museler.

—FB : Tout à fait. Nous sommes aussi à fond pour les dictatures qui nous ramènent des pigeons qui croient trouver chez Facebook un espace de liberté pour s’exprimer. Nous servons les dictateurs (ou ils sont à notre service, c’est exactement la même chose). Grâce à nous, ils savent où retrouver leurs opposants et leurs écrits. Nous conservons tout, même ce que nos pigeons suppriment. Tout est conservé.

—Mad Fig : Toute incertitude est maintenant bien enterrée. Nos lectrices apprécient les conservateurs.
Je reviens donc à ma question. Avez-vous le sentiment d’avoir réussi pleinement ?

—FB : Nous y sommes presque.
Nous devons finir de coloniser tout le web …

—Mad Fig : Ah, les colonies françaises, que de souvenirs ! …

—FB : Nous avons mieux … Nous devons faire passer le web sous notre monopole, faire en sorte que tout ce qui se passe sur le web passe par nos services et devienne ainsi notre propriété entière et exclusive. Comme Microsoft n’a pas su le faire dans les années 95 et comme il a su coloniser toute l’informatique (enfin, presque).

—Mad Fig : Presque ? Pas toute ? Nous avons toutes Windows, ça ne marche pas très bien mais c’est ça l’informatique, ça marche quand ça veut bien. Heureusement, nos machines à laver marchent bien ou bien nous avons nos bonnes. Enfin, la lessive se fait très bien, d’une manière ou d’une autre … Oh pardon, Facebook marche très bien, nous y passons nos journées.

—FB : Pour entrer dans les détails et répondre à votre interrogation, il existe un pourcentage négigeable de « nouilles » qui font du GNU-Linux [d’après notre dictionnaire « geek » = « nouille », au figuré, « personne très maladroite en société », tout le contraire de nos lectrices [NDR]). Quantité négligeable, pas la peine d’en parler …

—Mad Fig : GNU-Linux, dites-vous ? (se prononce, si vous y parvenez, un peu comme [guenou-linuxe] le « x » se prononce comme dans Astérix [NDR]). C’est imprononçable, c’est très vilain, ce doit être des barbares, en effet; il en existera toujours. Passons. Revenons à nos pigeons, eux au moins sont domestiqués.

—FB : Oui, nos pigeons sont fantastiques, c’est eux qui font notre fortune, nous ne les remercierons jamais assez. Nous améliorons et diversifions constamment notre offre, c’est notre manière [de servir notre public — erreur de transcription (NDR)] de nous servir de notre public. Nous avons même mis en place un système qui piège les internautes qui n’ont ni page ni compte Facebook. Pas besoin d’ouvrir un compte pour devenir un pigeon Facebook. C’est ça l’universalité du web selon Facebook. Il y a des boutons Facebook (presque) partout sur les sites web et cela suffit à récupérer des données de (presque tous) les internautes, sous leur nez, sans même qu’ils le voient.

—Mad Fig : Presque tous les internautes ? Pas tous ?

—FB : Oui, non, vous savez, un tout petit nombre parmi les « nouilles » que j’ai mentionnées tout à l’heure (« Geeks », pour nos lectrices anglicistes, voir supra [NDR]). C’est dérisoire.

—Mad Fig : Ah, oui. Passons … Ne serait-ce pas ceux que notre estimée et regrettée ministre de la Culture, cette grande femme qui a marqué son temps (Madame Albanel, [NDR]), désignait sous un vocable qui nous échappe à présent ? Rendez-vous à nos lectrices sur notre page Facebook : c’est à qui retrouverera cette expression historique.

Veuillez excuser cette incursion dans nos affaires franco-françaises et retournons à nos chères pigeonnes.

—FB : Que vous dire d’autre ?

—Mad Fig : Et Google que nos lectrices adorent ? Quel message pouvez-vous leur adresser à ce sujet ?

—FB : Google est notre ami, c’est donc le vôtre, chères mesdames. Cette entreprise hautement compétente sait très bien tromper presque tout le monde (sauf quelques « nouilles » insignifiantes, voir supra [NDR]). La compétence de Google place cette entreprise tentaculaire à l’opposé de l’indigence de Microsoft. Mais la rapacité et la vanité nous réunit tous. Comme nous, Google exploite les données des internautes, le contenu des mails, par exemple, qui sont analysés et mis en pubs juteuses, les gens sont suivis à la trace via leur mobile, etc. Un des coups très forts de Google a été de changer les conditions d’utilisation malgré l’avis défavorable des CNILs en Europe (organismes chargés de protéger la vie privée des gens [NDR]). Bien sûr, ce changement viole un peu plus la vie privée des internautes, ce qui nous ouvre à tous des perspectives réjouissantes.

Google offre tellement de services gratuits qu’il est difficile d’y échapper. Vous ne savez même pas que vous êtes sous haute surveillance, en faisant une simple recherche de recette de cuisine (la carbonara ? voyez infra dans notre résumé des commentaires [NDR]). C’est beau, c’est grand ! Mais Facebook n’est pas en reste, vous savez, nous allons toujours de l’avant, nous sommes complètement à la pointe !

—Mad Fig : Donc, oui, chères lectrices, faites du Google tous azimuts (notre journaliste se laisse un peu aller, comme sur Facebook, c’est naturel [NDR]).

La plupart de nos lectrices sont très « branchées », vous savez. Elles ont des i-Troucs. C’est Apple, n’est-ce pas ? Qu’en pensez-vous ?

—FB : Nous utilisons tous des i-Troucs chez Facebook, bien sûr. Ceci dit, nous ne sommes pas dans les i-Troucs, chacun son job. Apple et ses i-Troucs, ça nous va. Tout ce qui emprisonne les gens en créant du désir et un besoin insatiable, c’est fantastique, c’est beau, c’est l’avenir, c’est le remède à la crise globale et à celle de l’industrie du divertissement (nos lectrices aiment tellement la musique [NDR]) ! Apple, c’est la prison dorée. Nous avons tous des i-Troucs et les vraiment branchés ont un Mac.

—Mad Fig : Même les « nouilles » ?

—FB : Oui, une bonne quantité, même chez Mozilla, le monstre à abattre qui œuvre pour un web ouvert. Apple est fortiche, il faut le dire. En un sens, ça les sort de leur « nouillitude » (excusez le néologisme, il y en existe chez les meilleurs auteurs [NDR])

—Mad Fig : Ce sont des demi-nouilles ? Des nouilles demi-complètes ?

—FB : Excellent, faut que je la replace … sur ma page Facebook, naturellement !

Cet entretien se termine à peu près sur cette « facétie (jeu de mot hihi) »

Terminons avec un aperçu des commentaires, dont voici un résumé présenté par la même journaliste interviewsante.

Le courrier des lectrices approuve dans l’ensemble le sujet et le contenu de ce document. Certaines irréductibles détestent tout article autour de l’internet (ce repaire de voyous et pirates et de pauvres « nouilles » qui se prennent pour des génies, etc.) mais nos lectrices ouvertes sur le monde sont heureuses de voir confirmée leur intime intuition que Facebook œuvre pour leur bien-être et leur narcissisme. Nos lectrices, toujours à la pointe de la mode, sont insatiables.

Nos bons mots autour des « nouilles » (les intégrales qui font du « GNU-Linux » et en plus refusent Facebook) ont ravi nos lectrices. Certaines ont même invité de chères amies à déguster une carbonara pour fêter notre entretien, une exclusive exclusivité Mad Fig.


Notes :